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vendredi, 17 novembre 2006

Prendre des gants (Line Clément)

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Nous pouvons prendre des gants pour nous adresser à quelqu’un, pour ne pas se blesser, par hygiène, pour aller au combat, pour éviter le contact, pour faire un travail salissant, enfiler des mitaines par coquetterie, mettre un gant pour tenir le faucon, passer des moufles pour avoir plus chaud…. Jeter le gant ou le relever, retourner quelqu’un comme un gant. (extrait du document d'invitation)

medium_blog-line-gant-3.jpgLe 17 novembre 2006 avait lieu une performance de Line Clément, dans le cadre de l'APDAP, 9 montée Saint-Sébastien 69001 Lyon, et dans le local voisin de Ligne Graphique.
S'intéressant depuis longtemps au potentiel narratif et prédictif des lignes de la main, il était logique qu'elle aborde également le thème des gants.
Au sein d'une installation qui évoque certains travaux d'Annette Messager (Les piques), à l'aide de son expérience de l'improvisation théâtrale, elle a longuement exprimé la fonction protectrice des gants, fonction souvent mise à mal par des comportements humains agressifs, ou un environnement menaçant : les chiens emmenés en promenade se battent, l'ouvrier laisse sa peau dans l'acide, la poupée mannequin est "enfilée" dans un gant qui ressemble à un préservatif, hélas déchiré...
Ce déchaînement de violence s'apaisa par la lecture d'une longue phrase de Maurice Merleau-Ponty, serpentant dans les mains des spectateurs le long d'un ruban rose soyeux…

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"Il y a un rapport de mon corps à lui-même qui fait de lui le vinculum du moi et des choses. Quand ma main droite touche ma main gauche, je la sens comme une "chose physique", mais au même moment, si je veux, un évènement extraordinaire se produit : voici que ma main gauche aussi se met à sentir ma main droite, es wird leib, es empfindet. La chose physique s'anime,- ou plus exactement elle reste ce qu'elle était, l'événement ne l'enrichit pas, mais une puissance exploratrice vient se poser sur elle ou l'habiter. Donc je me touche touchant, mon corps accomplit "une sorte de réflexion". En lui, par lui, il n'y a pas seulement rapport à sens unique de celui qui sent à ce qu'il sent : le rapport se renverse, la main touchée devient touchante, et je suis obligé de dire que le toucher ici est répandu dans le corps, que le corps est " chose sentante", "sujet-objet". (extrait choisi par Line Clément de Signes de Maurice Merleau-Ponty)

22:00 Écrit par kl loth dans en revenant de l'expo (de la conf. etc.) | Lien permanent | Commentaires (8) |

Commentaires

Très belle citation de Maurice Merleau-Ponty...

Les photos sont sympa j'aurai bien voulu voir ça :)

Un grand merci à Line Clement, n'hésitez pas à lui envoyer des encouragements !

Peut-on espérer une vidéo de la performance prochainement sur le blog ?

Écrit par : Jonathan L. | dimanche, 03 décembre 2006

Quel dommage de l'avoir raté, j'espère bien que tu en feras d'autres, même si chaque performance est unique
bonne continuation dans ta démarche artistique

Écrit par : Annie benzeno | dimanche, 03 décembre 2006

Absolutely glovely!

Écrit par : John Tittensor | lundi, 04 décembre 2006

je n'ai pu y etre et je le regrette la prochaine fois car les mains sont un thème puissant!

Écrit par : emma | lundi, 04 décembre 2006

La performance a affectivement été filmée. Je pense que Line Clément nous fera signe quand la vidéo sera montée, terminée…

Écrit par : kl loth | dimanche, 10 décembre 2006

Je ne sais pas si la performance a été filmée "affectivement", mais en tout cas "effectivement" ;-)

Écrit par : kl loth | dimanche, 10 décembre 2006

Les artistes sont formidables, les improvisations de Line semblent permettre l'explosion du réel et l'ouverture d'une fenêtre intime, elle est formidable...
Frédéric from bzh
( exceptionnellement car je ne suis pas amateur de blog, l'art doit
être dans la rue, pas au sein d'un outil voué à la consommation et au futur contrôle des individus )

Écrit par : Frédéric | mardi, 12 décembre 2006

La « Banque du gant perdu »


Le 28 11 2006, je reçois au siège de la Mercerie, un paquet envoyé par l'artiste Line Clément. Celui-ci contient une boîte à boutons brûlée. Odeur âcre et matière désagréable, impression de glane-sur-Oradour. Une inscription, presu’une épitaphe, sur un papier: "Boutons brûlés pour MJ".
Quelques jours plus tard, de manière presque fortuite, j'apprends que L.C. vient de travailler sur le thème des gants: en prendre, ne pas en prendre, jeter ou relever le... et a effectué une performance sur ce thème le 17 septembre. Quelques jours encore, et par le seul hasard de fréquenter irrégulièrement Daily-life, je prends plus complète connaissance du travail. J’ai depuis peu entrepris de revisiter la « Banque du gant perdu » qui, chez moi, emprunte la forme d’un carton empli de gants trouvés dans la rue entre 1998 et 2002, puis laissés en sommeil.(J'avais un temps envisagé de les laisser aux objets trouvés et avais écarté cette idée afin d'éviter la destruction à ces prothèse-mains-du-froid).

Le 11 12 2006, j'emballeles quarante gants apareillés ou dépareillés dans un morceau de papier de soie (soi + élégant) et confectionne un colis que j'adresse à L.C.
Certains des gants (très certainement tous mais je n’en vérifie que quelques un) ont encore, glissé à l’intérieur, un morceau de papier sur lequel j’avais inscrit le lieu et la date de leur trouvaille. Traces de l’histoire d’une perte compensée par ces gestes poétiques de relever les gants jetés sous mes pas par le destin. Les notes initiales faisant part de ces préoccupations été publiées en septembre 2002 dans l’édition papier de Notes Bulletin n° 8 : http://www.notesbulletin.net/sommaires.php

Leur mise en répons du compte-rendu de la performance de Line Clément « Prendre des gants » m’apparaît, sous-tendue par l’inscription dans l’échange, constituer l’épilogue d’un travail demeuré en suspens et qui pourtant se régénère chaque hiver :

la Banque du Gant Perdu (notes relues et mises à jour le 30 12 2006)
Depuis plus de deux ans, intrigué et amusé, parfois irrité par le nombre de gants perdus que j'apercevais dans la rue, j'en ai entrepris la collecte, notant le lieu et la date de la trouvaille sur un bout de papier que je glissais dans le gant en question. Le 9 mars 2002, je décide de mettre un terme à ce travail et dresse l'inventaire de la Banque du Gant Perdu, (terme que je dois à C. R., qui me contait son désespoir lors de la perte de l'un des gants d'une paire qu'elle affectionnait).

Inventaire

Date / Lieu de la trouvaille/ description de la pièce

14 12 1998 16h30/ toilettes Palais de Justice /femme noir cuir marque Isotoner 2 pressions sur le côté
01 02 2000 / rue du Palais de Justice(sortant de la Tour Rose) / femme peau bordeaux
3 02 2000 14 h30/ Charnay (je poste un "croquez-moi" à Miss Lecroc)/ chantier
3 02 2000 / Maison carrée Limonest /homme chantier
08 02 2000/ rue de Bourgogne Vaise / noir laine "Adidas"
4 02 2000 / sortie Clermont-Fd chantier écrasé
17 02 2000/ rue de l'Université /homme noir tissu doublé skaï "Wanabee"
15 02 2000 / Ambérieux d'Azergues /chantier
21 02 2000 / gant de laine bleu offert par L. (gant de G. qui a perdu l'autre)
14 02 2000/rue Montesquieu paire de gants de laine beige foncé clair
05 03 2000 / enfant laine noir
12 03 2000/ l'île Rose vers Grenoble/ chantier
14 03 2000 / chantier vert
18 03 2000 / métro Cusset/ femme GT noir bouclette
22 03 2000 / cuir détrempé, croûte momifiée
24 03 2000/ chantier
30 03 2000 / homme cuir noir moto
2 04 2000 /femme cuir marron
2 04 2000 16h /femme noir fantaisie métal sur dessus
14 04 2000 /femme cuir noir fantaisie sur dessus
26 04 2000 /quai Jules Courmont/ homme marron clair chantier
30 04 2000 /noir marque Etirel sportif
(Date et lieu inconnus) femme laine tricotée beige
12 05 2000 /enfant laine noir
14 05 2000/ enfant moufle noir
17 05 2000/femme noir laine
10 06 2000 /rue Jangot face à Trésor Public/ 1 paire gants laine grise
03 11 2000 /rue Pierre Blanc / homme chantier
04 11 2000 / métro République / homme cuir marron boucle métal
15 11 2000 / Imbert Colomès / homme gris vert laine marque Tech
23 11 2000 / passage Mermet / homme cuir marron clair
7 12 2000 / montée des esses / homme chantier beige et rouge
18 12 2000 / Pierre Blanc / femme grande taille gris doublé laine Winnie l'ourson
27 12 2000 / boulevard X Rousse / femme noir tissu
01 01 2001 / rue Neyret / femme gris clair laine
03 01 2001 / place des Tapis (X-Rousse) / enfant laine gris clair
8 01 2001 / rue E. Herriot (devant Sugar)/ femme noir tissu
10 01 2001 / bd X Rousse enfant gris laine
11 01 2001 / Saint Etienne le Clapier / enfant laine rouge
12 01 2001 / rue Vitet (près académie billard)/ femme laine violet avec manchon
30 01 2001 / université Bron / femme noir laine bouclette
28 02 2001 / place de l'Opéra /homme cuir marron marque Roeckl
28 02 2001/ métro hôtel de ville / femme cuir marron
05 03 2001 / montée des Carmélites / femme laine gris chiné blanc
02 04 2001 / rue de la République / femme brun fermeture Eclair sur le dessus
11 05 2001 /femme cuir noir oeillets métalliques sur dessus très déchiré
12 11 2001 / Pierre Plantée - Lemot / femme noir tissu et garnitures cuir en V
17 12 2001 /parking derrière MLIS Villeurbanne / enfant noir façon fourrure
23 12 2001 / métro Cusset / enfant noir laine
24 01 2002 / place Bellecour / femme noir cuir façon daim marque S

Soit en 2000, 33 gants ramassés dont 10 gants de chantier, vraisemblablement jetés car sinon comment expliquer le fait que les travailleurs puissent perdre ainsi leurs gants? Il n'y avait donc pas lieu de ramasser ces gants puisqu'ils n'étaient pas perdus, peut-être simplement noter qu'ils n'auraient pas dû se trouver là, à interroger le monde. Le 9 03 2002, je les jette. Geste inutile puisque déjà fait par un autre avec la force du défi au travail.
Pour le gant d'enfant offert par L. (21 02) je devrais le lui renvoyer : elle l'a ressorti de la poubelle pour me l'offrir, préférant le geste « artistique » à la dureté du regard sur la disparition d’ un gant restant qui ne retrouva jamais sa moitié perdue et devint de ce simple fait tout aussi inutile qu'un gant trouvé. Comme cela ne servirait à rien, je constate que je n'aurais pas dû accepter la responsabilité d'un gant qui était proprement jeté.
Reste donc en 2000, 22 gants perdus. J'excepte le gant du 22 03 2000, ressemblant plus à une momie et qui m'a intéressé pour sa forme et la manière dont le cuir s'était durci. Les paires complètes auraient pu aussi rester là où elles étaient. Elles auraient peut-être trouvé preneur, quoique la beige soit quelque peu effilochée. Quant à la grise, trouvée en juin, elle n'avait guère de possibilité à cette époque de l'année. Ramassée par curiosité ou par peur qu'elle ne trouve plus de mains.
Reste 20 gants esseulés et en état de marche, se répartissant en
gants d'homme : 5
gants de femme : 9
gants d'enfants : 3
unisexes : 3
+ 1 gant de femme façon "panthère" trouvé le 11 novembre 2000 sur le Pont Koenig et que j'ai gardé pour composer un petit arrangement. La paume ouverte, il a servi longtemps de niche à un lévrier de bronze, chiné aux alentours de 1995 qui paraît ainsi attendre sa maîtresse.

En 2001, je ne m'encombre plus des gants de chantier, m'identifiant en cela au travailleur auguste en début de week-end ; 15 gants trouvés-choisis dont 9 gants de femmes (idem qu'en 2000), 1 gant d'homme et 5 gants d'enfants.

En 2002, un gant de femme. J'en laisserai ensuite plusieurs au sol, tous les défis ne pouvant être relevés. Il m'est aussi arrivé d'en accrocher à un endroit visible, proche de l'endroit où je les ramassais, dans l'espoir que son propriétaire le ramasse .A cette date, lassé et ne voyant pas quoi faire de ces objets devenus inutiles sitôt qu'ils quittent leur territoire - la place d'un gant perdu est le lieu où il choit, sitôt relevé il encombre l'imprudent qui a cédé à la tentation de le ramasser. Chargé d'une inattention initiale de son ou sa propriétaire, il se retrouve lesté de responsabilité dans les mains du trouveur, ou plutôt du ramasseur car nombre de passants demeurent passants négligents à la vue d'un gant perdu - j'envisage de les porter aux objets trouvés.
Le 10 mars 2002, je lave les gants de laine. Plus d'odeurs, ne serait-ce l'unicité de chaque pièce, on les croirait neufs. Trouvés de la veille ou cueillis du jour.

Au total, excepté les gants de chantier qui retournent à la poussière, la récolte comporte 36 gants dépareillés se répartissant de la manière suivante :
- gants d'enfants en laine : 10
- gants d'adultes laine : 11
- gants de femmes cuir (gants élégants) : 10 (dont 1 trop déchiré pour être portable)
- gants d'hommes : 5 dont 1 de moto
Il ressort de cette comptabilité le fait que les adultes perdent plus leurs gants que les enfants. D'où l'on conclut que les remontrances des adultes lorsque les enfants perdent un gant sont statistiquement injustifiées.
Les femmes sembleraient perdre plus souvent leurs gants que les hommes. Les hommes mettent-ils des gants moins souvent ?

Je note que le seul gant vraiment signifiant de cette histoire est celui trouvé en 1998 au Palais de Justice et qui a généré cette collecte. Tous les autres ne sont que bégaiements, manière de buter sur le même pour entendre.
J'étais passé visiter l'exposition Portraits d'artistes de Marie-Noële Décoret. Elle présentait (du 15 octobre au 31 décembre) des silhouettes d'artistes anonymes. Ceux qui avaient figuré dans son recueil en prêtant leurs silhouettes étaient invités à "se faire connaître" à l'accueil et se voyaient remettre un exemplaire de l'opuscule, fort élégant. N'ayant pas montré patte blanche, je n'eus jamais le livre, bien qu'ayant par la suite assuré M-N D. de ma visite. Ce gant noir subsiste comme un fantôme, marquant de sa présence-absence une visite non-inscrite qui se superpose à un visage d'inconnue se penchant pour raccorder un maquillage. En creux de ces cinq doigts de cuir et soie, les portraits d'artistes aux silhouettes tremblées.

Écrit par : michel jeannès | samedi, 30 décembre 2006

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