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lundi, 12 mars 2007

Traîner des valises…

«Des amoncellements de valises, ou pire encore...»
Une lettre de François Quintin, directeur du FRAC Champagne-Ardenne, publiée par plusieurs supports dont Libération le 1er mars 2007, attire l'attention sur l'émission de TF1, J'ai une question à vous poser, où le 12 février* dernier, Jean-Marie Le Pen répondait aux questions d'un panel d'auditeurs.

Le discours de Le Pen est rodé, acclimaté aux exigences du démocratiquement correct, apte à séduire même certains Français issus de l'immigration, et en tout cas à rendre caduque toute réfutation simpliste.
Cependant la culture n'est pas une préoccupation majeure de la campagne présidentielle 2007, et lorsque M. Daniel Rousset posera la "question de la culture" (grande absente selon le modérateur P. Poivre d'Arvor), la réponse de JM Le Pen, visiblement mal préparée, accroche sur quelques "détails" fortement signifiants.
Tout d'abord il évoque la connotation un peu germanique qu'aurait pour lui la culture, culture avec un K, ce qui laisse pantois (et encore plus pantois après vérification de l'étymologie dans le Petit Robert). On pense alors au sinistre propos de Göring : "Wenn ich Kultur höre ... entsichere ich meinen Browning !" (quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver). Le Pen développe un peu, citant la philosophie parmi les "matières" englobées par le terme générique "culture".
Justement… on devrait l'interroger davantage sur la philosophie, cette discipline où la pensée et le sens critique sont poussés au plus loin.
Puis il affirme que l'État n'a pas à se faire le promoteur de telle ou telle forme d'art, ce qu'il ferait "avec ses gros sabots" (en passant par la Lorraine ?), et cite les FRAC, où l'État achète des "amoncellements de valises... des sculptures bizarroïdes... ou pire encore !"
F. Quintin à ce propos développe abondamment dans son article toute la pertinence des œuvres contemporaines mettant en scène des valises.
Pour ma part, je soulignerai simplement combien ce choix d'un simple mot, sensé stigmatiser la médiocrité de l'art contemporain, s'avère révélateur et porte en lui la mémoire de la déportation des juifs dans l'Allemagne nazie, des "porteurs de valise" de la guerre d'Algérie, et plus généralement de l'immigration (cf. la "valise en carton" d'une chanteuse de variétés) : un seul mot pour condenser trois des axes les plus contestables de la pensée frontiste.
Trahison de l'inconscient !

* La lettre de F. Quintin indique par erreur la date du 11 février.

medium_rheinsberg-koffer.jpg
Pour illustrer ce billet, l'œuvre peu connue en France de Raffael Rheinsberg, Koffermauer, Klagemauer (Mur de valises, mur des lamentations), exposée à la Maison des artistes de Kiel en 1978 (document extrait du catalogue Tenter le diable sans peindre au mur. Raffael Rheinsberg, Maison de la Culture André Malraux de Reims, 1985)

13:50 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art, zeitgeist | Lien permanent | Commentaires (5) |

Commentaires

Je ne suis pas frontiste ni nazi ( mon grand père a été déporté) mais j'ai du mal à saisir l'interêt de l'art contemporain. On dirait que c'est gros ( et ridicule , voire snob) au plus c'est considéré comme de l'art.

Écrit par : Percy | dimanche, 18 mars 2007

L'art, comme d'autres domaines de l'esprit, la philosophie, les sciences… c'est parfois très simple, cela peut aussi être ardu. Cela demande un effort de réflexion et d'information, pour comprendre ce qui se cache derrière ce qui se donne à voir en un clin d'œil. (c'est vrai aussi pour l'art ancien)
Mais c'est justement cet effort qui rend l'art passionnant ! Comme une énigme à résoudre… une quête de sens…
La société actuelle, notamment les médias, ne valorisent guère la réflexion, ne montrent que rarement l'art, ou de façon trop anecdotique pour fournir des pistes de compréhension.
Il n'y a donc rien d'étonnant à rester perplexe !
Et tout en art n'est pas forcément réussi, parfois c'est vrai que "c'est gros et ridicule", société du spectacle oblige…

Ce que constatait mon billet, c'est que parmi de nombreux exemples d'œuvres surprenantes que Le Pen aurait pu désigner (des amoncellements de cailloux ? des paquets de lessive ? des peluches ? etc.), celui choisi n'était pas anodin, loin de là, par rapport aux "idées noires" du FN.

P.S. : je vais développer sur mon blog une bibliographie d'initiation à l'art contemporain.

Écrit par : kl loth | jeudi, 22 mars 2007

Ah oui, pour Le pen ce n'est pas étonnant de sa part. L'intelligence au service du mal. Mon fils regarde des dessins animés sur les super héros en ce moment et il y a toujours un super méchant qui est une sorte de savant fou. Il me fait penser à ça Le pen: quelqu'un de savant mais qui utilise ses capacités dans un seul but : assouvir sa haine de l'autre. Ou est Superman !!??

Écrit par : percy | vendredi, 23 mars 2007

La citation concernant "culture et revolver", ne serait pas de Göring !
Cf. la note http://kl-loth-dailylife.hautetfort.com/archive/2007/04/13/culture-et-revolver.html

Écrit par : kl loth | vendredi, 13 avril 2007

valise sélavy (anagramme à poignée)

Écrit par : michel jeannès | dimanche, 13 mai 2007

Les commentaires sont fermés.