lundi, 03 mars 2008
Marianne mise à nu (La Mercerie)
Il y a une dizaine d'années, Michel Jeannès, artiste intervenant sur le quartier de la Duchère se trouva donc face aux imposantes barres d'immeubles de ce quartier lyonnais. Paradoxalement, c'est un tout petit objet bien rond qui l'inspira et fut le début d'une longue aventure avec les habitants, relatée dans son livre Zone d'intention poétique, paru en 2005 aux éditions La Lettre volée (Bruxelles).
Désormais œuvrant au sein du collectif "La Mercerie" dont il est le chargé de projets artistiques, Michel Jeannès interroge maintenant à l'aide du bouton le drapeau français, qu'une actualité récente (l'élection présidentielle) a fortement agité.
Dans cette exposition montrée à la MJC de la Duchère, le drapeau, fendu dans le blanc symbole de la royauté, est boutonné de haut en bas, puis déboutonné bouton par bouton en huit "stations" d'un décolleté coquin.
Il me semble pertinent de citer in extenso le texte de présentation rédigé par La Mercerie pour l'invitation :
"Depuis dix ans, l'artiste Michel Jeannès — affectueusement surnommé "Monsieur Bouton" par les Duchérois — développe avec le collectif La Mercerie une "Zone d'Intention Poétique" autour de cet objet modeste et familier qu'est le bouton, objet de lien puisqu'il rapproche, ouvre ou ferme les pans du vêtement.
Avec Marianne mise à nu — titre qui fait référence à La Mariée mise à nu par ses célibataires, même de Marcel Duchamp (œuvre construite entre 1911 et 1934) — l'artiste revisite la peinture d'histoire et inscrit son objet de prédilection à côté de Le 28 Juillet : La Liberté guidant le peuple peint en 1830 par Delacroix en hommage aux Trois glorieuses.
La série présente le drapeau français, fendu par le milieu et équipé d'une ligne de boutons de nacre. Le singulier et l'intime de la chemise, habitat de l'individu, croisent le symbole collectif. L'ensemble de huit drapeaux fonctionne comme une séance cinématographique : un bouton se déboutonne à chaque station du regardeur, laissant pour finir "Marianne" — figure érotisée de la République ou horizon du spectateur — totalement "à nu", le regard se confrontant alors au mur vide.
Un seul bouton manque au peuple et il perd sa tenue.
Les pièces ont été réalisées sur le quartier de la Duchère par l'atelier Fil en forme et l'exposition présentée à la galerie Satellite (Paris) entre les deux tours des élections présidentielles. Avec cette exposition in tempo — sous le signe de l'art en campagne et des prochaines municipales — à la MJC de la Duchère, les boutonnières font trace et débat dans l'histoire locale."
Sur chaque drapeau les boutons sont au nombre de sept comme les jours de la semaine. Il me revient alors à l'esprit cette ritournelle : Lundi matin, l'empereur, sa femme et le p'tit prince, sont venus chez moi pour me serrer la pince. Comme j'étais parti, le p'tit prince a dit, puisque c'est ainsi nous reviendrons mardi. Mardi matin…
02:09 Écrit par kl loth dans en revenant de l'expo (de la conf. etc.) | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : art, art contemporain, duchère, lyon, michel jeannès, la meercerie, bouton |
Commentaires
Le bouton bleu (photo) m'a été offert le soir du vernissage par une petite fille (Louisa, 9 ans) qui l'avait trouvé et le gardait pour "Monsieur Bouton".
Une erreur s'est glissée -contre ma volonté mais de mon fait - dans le tract original édité par la Mercerie. Erreur historique de taille puisqu'au lieu des "Trois glorieuses", elle rendait hommage à la Commune de Paris. Tout le monde a eu la gentillesse de ne pas relever et Kl-Loth de rectifier. De fait, les "trois glorieuses" teintent d'insurrectionnel le tricolore RBB.
Écrit par : michel jeannès | mardi, 04 mars 2008
Concernant la remarque de Kl-Loth sur la ligne de boutons "dans le blanc, symbole de la royauté", je précise que la ligne de boutons est dans le blanc parce qu'elle passe par le milieu du drapeau.
Par contre, avant que les rois choisissent le blanc, la couleur royale semblait être le bleu, en référence à la chape de Saint Martin, chape que ce dernier avait partagée avec un pauvre à Amiens . Il y a donc, inscrit en creux dans la mémoire-même du drapeau français, la coupure qui fait partage.
Écrit par : michel jeannès | mardi, 04 mars 2008
Il faudra vérifier dans les travaux de Michel Pastoureau, qui s'est penché sur l'histoire du bleu en Occident…
Écrit par : kl loth | mardi, 04 mars 2008
Pastoureau fait "ourstaurité "en la matière, certes. Il ne s'agit pas du bleu isolément, mais du rapport tricolore bleu, blanc , rouge. D'après de multiples sources consultées et consultables en ligne, le bleu correspond à saint Martin, le rouge à saint Denis et le blanc à Jeanne d'Arc.
Écrit par : michel jeannès | mercredi, 05 mars 2008
On trouve sur certains sites (les sites devenant sources) des allusions au bleu du manteau de saint Martin, ainsi que sur d'autres des références à un manteau rouge, couleur du manteau des soldats romains. Il y aurait donc un Martin historique et un Martin mythique, les deux variant d'une couleur à l'autre comme les baromètres chromatiques virant du rose au bleu layette.
Trouvé une belle explication sur ce partage du manteau: la moitié du manteau étant payée par l'armée romaine, saint Martin ne pouvait donner que la partie lui appartenant et payée sur ses propres deniers. Du civisme avant la lettre chez ce païen qui devint évangélisateur zélé, mais je me demande quelle fût la tête du sergent à qui il rendit son paquetage lorsqu'il prit congé de l'armée?
Le partage du manteau de Martin m'évoque aussi l'expression "déshabiller Pierre pour habiller Paul". Le pragmatisme consistant à se protéger du froid tout en protégeant l'autre donne une vision alternative et pleine de discernement de la charité dite "chrétienne". Le manteau de Martin illustrerait donc cette autre maxime (nb.:Ne pas confondre le manteau de Martin et celui de Maxime)selon laquelle "Charité bien ordonnée commence par soi-même ".
Et une note plus éloignée des préoccupations initiales (quoi que...): à Lyon, les bureaux de l'Assedic sont rue de la Charité.
Écrit par : michel jeannès | mercredi, 12 mars 2008
Je recopie-colle tel quel ce commentaire relatif au drapeau tricolore trouvé sur http://distusaispourquoi.centerblog.net/2277616-Pourquoi-le-drapeau-tricolore-:
"bleu rouge blanc
Posté par DA SYLVA le 18.12.2007
Bleu
Centurion en garnison dans la ville d'Amiens. Martin se fait baptiser et partage son manteau bleu avec un pauvre.Clovis, roi des Francs,adopte la couleur par symbole pour la Gaule qu'il vient de conquérir, et pour le barbarisme qu'il vient de quitter en se faisant baptiser.
Rouge
Pépin le Bref, à la demande du Pape ,crée l'état pontifical. Son fils Charlemagne,roi des Francs et empereur d'Occident, défend sous la couleur rouge "le sang du christ" la cause de St Pierre.
Blanc
Le premier des Boubons accède au trône de France à la suite d'une guerre civile de religion. Le roi de Navarre exhorte les français à l'unité en se ralliant à son panache blanc.
Bleu Blanc Rouge
La révolution dans ses premiers jours à besoin d'un symbole fort pour incarner la nation française. La Fayette insère le blanc la couleur des Boubons entre le bleu et le rouge la couleur de Paris."
La coquille - à coup sûr "pansémiotique" - ôtant l'r au patronyme "Bourbon" me fait dire que les boutons - dont les "boubons- bubons" ne sont que la version pestiale métaphore de la fermentation sociale- étaient déjà inscrits dans ce blanc défini par KL-Loth comme "royal". Le Blanc-Bourbon avait déjà prétention sinon vocation à boutonner les couleurs de la nation.
Écrit par : michel jeannès | mercredi, 12 mars 2008
Pour poursuivre à propos de saint Martin :
"(...) vous le savez avec saint Martin dont on dit que c’est un des saints fondateurs du royaume de France. Les rois de France sont abbés commendataires de l’abbaye Saint-Martin à Tours et le saint est tellement lié à l’histoire de la monarchie que l’on dit que c'est parce qu'il aurait ouvert sa cape en 2 d’un coup d’épée pour en donner la moitié à un pauvre que les rois fondateurs de la monarchie française auraient pris ce nom de Capet. (...)"
Extrait d'un entretien avec un historien en cours de montage.
Écrit par : Cécilia de Varine | jeudi, 13 mars 2008
Capet d'épée (des vents des poums!)
Capet, caput, le chef, la tête, d'où décapiter employé à la place de "décapéter" qui risquait de faire pouffer le bourreau. La décapétation était donc inscrite au premier chef dans ce royal en blême.
Écrit par : michel jeannès | jeudi, 13 mars 2008
"des vents, des pets, des poums" est une chanson -paroles et musique - de Serge Gainsbourg:
http://www.paroles.net/chanson/24484.1
Écrit par : michel jeannès | jeudi, 13 mars 2008
En fait l'homme à la tête de choux a chanté là l'expression "jouer la fille de l'air", utilisée pour "s'éclipser". Figure de l'absence en coup de vent, les pans et les voums sont au sonore de que le déshabillage de Marianne est au visuel. Sitôt des-boutonnée, la belle s'étend à perte de vue.
Écrit par : michel jeannès | jeudi, 13 mars 2008
Sur les couleurs du drapeau français, voir ce qu'en dit Michel Pastoureau !
http://kl-loth-dailylife.hautetfort.com/archive/2008/03/19/bleu-blanc-rouge-encore.html
Écrit par : kl loth | mercredi, 19 mars 2008
"bleu-blanc-rouge et des frites", une chanson désuète de Marcel Amont, pour raviver les couleurs des voeux avec du temps d'avant-avant la déprimose de rigueur:
http://www.frmusique.ru/texts/a/amont_marcel/bleublancrougeetdesfrites.htm
Écrit par : michel.jeannès | samedi, 03 janvier 2009
C'est croquignolet, effectivement…
Écrit par : kl loth | mardi, 03 février 2009
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