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jeudi, 11 octobre 2007

Dirty Kiss (suite)

Quelques nouvelles à propos de l'œuvre de Cy Twombly qui a été entachée de rouge à lèvres :
- la restauration devrait coûter 16.000 euros
- le tribunal qui a examiné l'affaire le 9 octobre dernier propose une amende de 4.500 euros et un stage de citoyenneté pour Rindy Sam, l'auteur du baiser indésirable.
Verdict le 16 novembre prochain.

(un stage dans les musées pour découvrir les problèmes de conservation de œuvres me semblerait approprié)

Cy Twombly, le peintre, âgé, fragile, se déclare "extrêmement choqué".

Pour avoir une idée de l'œuvre en question, mais une idée vague, car on ne voit pas grand chose…

13:20 Écrit par kl loth dans rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (15) | Tags : Cy Twombly, baiser, vandalisme, Rindy Sam, droit de l'art |

Commentaires

Nous sommes dans l’art contemporain. L’art contemporain comme son nom ne l’indique pas, ne se définit pas par une période historique. L'art contemporain a pour projet l'abandon des beaux arts, comme chose et comme idée. L’art contemporain c’est l’abandon de la définition de l'art comme maitrise d'un savoir faire. A partir de là on a l’apparition de l'artiste qui ne se définit plus comme possédant un métier. L'artiste ne se définit plus par la maîtrise d'un métier, d’un savoir faire. Dès lors se pose la question de savoir qui est artiste, et qu’est ce qu’une œuvre d’art puisque le critère du savoir-faire n’est plus valide ? Lorsque Bertrand Lavier fait monter par un socleur un parpaing sur socle est-ce une œuvre d’art ? Peut-on considérer qu’une épave d’Alpha Roméo vendue par Bertrand Lavier et achetée par le FRAC de Strasbourg soit une œuvre d’art ? Sur tout lorsque Lavier déclare que ces œuvres n’ont pas besoin de discours et qu’elles parlent d’elles-mêmes.
Dès lors pour bien comprendre, il faut savoir que deux courants théoriques s’affrontent sur cette question. Pur les uns, dans la lignée de Danto et Dickie , un objet est considéré comme œuvre d’art si l’institution, le monde marchand de l’art, les « professionnels de l’art » reconnaissent que cet objet est une œuvre d’art et cet individu est un artiste. C’est la théorie institutionnelle de l’art. Mézil et les gens qui gravitent autour d’Yvon Lambert défendent cette conception. Un objet est de l'art s'il est situé dans le contexte de l'art, si on l'interprète d'un point de vue sociologique. Pour Dickie l'artiste est impliqué dans l'institutionnalisation de l'art. Dans cette perspective l'art ne doit assumer aucune position philosophique. Danto, évoque quant à lui l’art contemporain en parlant des arts de la perturbation, (qui rime avec masturbation). Pour Danto les musées font œuvre de civilisation en exposant par exemple les objets de Bertrand Lavier. Il s’agit de confiner le désordre.
A cette première conception s’oppose l’idée que l’art est d’abord l’expression de la vie et qu’elle embrasse une activité philosophique. Dans cette perspective on trouve des textes tout à fait passionnant d’ Allan Kaprow. (Par exemple L’art et la vie confondue 1994). Allan Kaprow est l’inventeur du happening en 1955. Pour Kaprow Un happening est un évènement qui n'a lieu qu'une fois, et qui n'est pas reproductible. C’est tout à fait le cas du Baiser Rouge de Rindy. Par exemple les baiser à 5 frs d’Orlan, relèvent du guignol. Les artistes contemporains sont plein de doute. Ils se demandent quel art devrait exister. C'est précisément au nom de ce doute que Kaprow critique la théorie institutionnelle. Définir l'art par le contexte encadré nous rassure, sur le fait que ce qui est à l'intérieur est de l'art. C’est pour cela que Kossuth a pu dire que le happening est l'un des arts les plus responsables de notre temps, car il pose la question de la finalité de l'art. C’est en ce sens que le Baiser Rouge de Rindy est une œuvre grandiose car ce baiser pose par les nombreux débats suscités la question de la finalité de l’art de notre temps.
Ainsi pour kaprow, ce que l'art a perdu en beauté, en dimension sensible, il doit le gagner en pensée. C'est par là que l'art prend en charge le questionnement philosophique. Seulement Kaprow met en garde il faut échapper à ce qu’il appelle la réification, la transformation en chose de cette instant de vie, par exemple le Baiser Rouge de Rindy. Ca veut dire qu’il ne faut pas transformer la liberté de l’artiste en métier. Sinon on sombre dans le spectacle on n’est plus dans la vie. Il faut comprendre Le happening comme une expérience existentielle. L'art de bien vivre. C'est du même mouvement que l'art perd sa nature d'activité en devenant intelligence morale.


Dès lors il semble maintenant que cette deuxième conception tend à s’imposer. D’où un certain glissement. Dans cette affaire Yvon Lambert à tout à perdre à ne pas reconnaître la dimension artistique du geste de Rindy. Ce geste est unique. Ce geste n’est pas reproductible. Ce geste s’inscrit dans une conception défendue par Kaprow dont le centre Pompidou a rendu a un hommage soutenu en 1994.
Sur un plan financier la toile ne valait rien par elle-même. Aujourd’hui, compte tenu de la publicité faite autour d’elle, et les débats qu’elle suscita, la toile présente un intérêt artistique incontestable. A Yvon Lambert d’inaugurer maintenant un geste grandiose : annoncer qu’il ne restaura pas la toile, qu’une pauvre artiste au RMI a embrassée pour avoir cru au pouvoir de l’art. Certes cela ridiculisera Eric Mézil, mais l’histoire se souviendra du geste inouï du marchand d’art qui authentifia la valeur artistique d’une œuvre en lui conférant une prospérité hors du commun. Si du reste, Yvon Lambert décidait d’exposer la toile de Cy embrassé par Rindy, il est fort à parier que de l’exposition connaîtrait un succès remarquable.

Dans cette affaire certains ont joué leur rôle et d'autres pas.
Ont joué leur rôle:
1. La jeune artiste croyant au pouvoir de l'art et emportée par la flamme.
2. Le directeur de la collection Eric Mézil dont le travail est de protéger les oeuvres et d'animer un lieu. De ce point de vue il a très bien tenu son rôle.
3. Le marchand Yvon Lambert dont le travail est de gagner de l'argent, donc il réclame au procès deux millions d'euros, ce qui est en soi tout à fait concevable puisqu'il est marchand.

Mais d'autres n'ont pas joué leur rôle.

1. La restauratrice Barbara Blanc qui d'abord se présente comme une experte indépendante, ce qu'elle n'est pas puisqu'elle travaille exclusivement pour la maison Lambert, et qui estime la restauration de la toile à 33000 euros..., quand une estimation de restaurateurs spécialisés dans l'art contemporain issu de l'école d'Avignon table sur un montant de 1500 euros. Barbara Blanc a tenu un rôle qu'elle n'avait pas à tenir, du coup sa réputation en prend un coup.
2. Les artistes comme Bertand Lavier et Barcelo qui ont soutenu la position de la maison Lambert. Erreur impardonnable de leur part. Eux qui ont construit leur carrière sur la scène de la provocation ont montré leur véritable visage, des inquisiteurs, des personnages sans aucune fibre artistique, et le néant de leur production apparaitra bientôt comme une évidence aux yeux de tous.

Enfin dans cette affaire on a effectivement oublié une chose: que la toile était non peinte et non signée. Autrement dit on a oublié la singularité de l'objet en question. Or l'art n'est-il pas d'ouvrir sur la singularité de chaque chose?

Écrit par : Jean de la nuit | lundi, 29 octobre 2007

Merci Jean de la nuit pour ce commentaire très argumenté.

Je pense cependant qu'il ne faut pas oublier que l'art contemporain est totalement hétérogène et que cohabitent des artistes de générations différentes, dont les conceptions de l'art peuvent être divergentes.
C'est le cas ici, Cy Twombly étant dans la lignée de Picasso (son premier professeur ayant été lui-même formé par le père de Picaso). Ses peintures m'évoquent également Monet, Matisse et Michaux…
Bien qu'il ait cotoyé l'avant-garde new-yorkaise des années 50 (dont John Cage), il a une conception de l'art bien plus traditionnelle que les artistes que vous citez (Lavier, Kaprow…). C'est davantage un peintre appartenant à l'art moderne qu'un artiste contemporain au sens que ce terme a pris dans l'histoire très récente.
Entre Cy Twombly et Cindy Ram, il s'est donc produit une sorte de clash temporel. 50 ans les séparent, qu'il s'agisse de leurs âges respectifs et de leur conceptions de l'art.

D'autre part, bien que les médias aient parlé d'une toile blanche, il me semble peu probable dans le cadre de l'œuvre de Twombly, qu'il s'agisse d'une toile vierge (c'est aussi l'opinion de Christian Bernard, directeur du MAMCO de Genève). Cette toile était probablement revêtue de peinture blanche, au moins un peu, peut être avec des empâtements, des effets de matière. Une sorte de monochrome blanc.

Je déplore qu'il ne soit pas possible de voir une reproduction correcte de ce polyptique (2 ou 3 parties ?).
Cela permettrait de débattre sur des bases concrètes.

Écrit par : kl loth | lundi, 29 octobre 2007

Il est à noter que la grande majorité des artistes sont loin de bénéficier de dédommagements conséquents lorsqu'une de leurs œuvres est endommagée.
J'ai l'expérience d'une œuvre partiellement saccagée, dont le dédommagement fut dérisoire… Quant aux cauchemars occasionnés (préjudice psychologique) ?

Écrit par : kl loth | lundi, 29 octobre 2007

J'ai vu la toile avant le Baiser de Rindy, pendant et après. Et je vous assure que la toile est non peinte, c'est une toile brute. Ce point est désormais incontestable, puisqu'il a été évoqué lors de l'audience au tribunal. La collection a caché ce fait pour entretenir la confusion et permettre à Yvon Lambert de soutirer un maximum d'argent non pas auprès de Rindy Sam mais auprès des assurances.

Écrit par : Jean de la nuit | mardi, 30 octobre 2007

Si la toile est réellement vierge, il faudrait toutefois la remplacer par une toile absolument identique aux deux autres toiles du triptyque.
C'est à dire tendue d'un tissu identique datant d'une trentaine d'années (cf. la date de réalisation de l'œuvre).
S'agit-il d'une toile issue du commerce ? confectionnée par un artisan ? ou encore tendue par l'artiste lui-même ?
Est-elle brute ? apprêtée ? (l'apprêt lui aussi date d'une trentaine d'années)
Voilà pour l'aspect technique de cette restauration.

Ce qui est pénible dans cette histoire, c'est qu'elle offre des prétextes aux détracteurs de l'art contemporain pour s'acharner encore et encore.
Et que le cout déjà exorbitant des frais d'assurance rend difficile le montage financier des expositions.
C'est de l'argent de la culture qui ne profite ni à la création, ni au savoir, mais à un domaine professionnel extérieur à la culture !

Écrit par : kl loth | mardi, 30 octobre 2007

Voici un des articles les plus pertinents que j'ai lu sur cette affaire. C'est un point-de-vue du conseiller artistique de Rindy Sam publié dès le 28 juillet. Je ne partage pas tous les aspects de ce papier. En particulier le côté réconciliation entre les peuples me semble un peu forcé. Pour le reste je trouve ce papier troublant, comme si il nous invitait à quitter le monde dans lequel nous vivons pour comprendre cette affaire.



Le Monde 28 juillet 2007, p. 16

Faut-il condamner un baiser sur une toile ?


Loin d’être un acte de vandalisme, le geste de l’artiste Rindy Sam est un acte d’amour qui parachève la toile ainsi touchée.

L'artiste cambodgienne Rindy Sam a commis, le 19 juillet, à la Galerie Lambert d'Avignon, sur une toile de l'artiste américain Cy Twombly, un geste inouï. Subjuguée en entrant dans la salle où se trouvait un triptyque consacré au Phèdre de Platon autour du Symposium (le Banquet), elle s'est approchée d'une toile immaculée, s'est exposée en écartant les bras. Puis, confie-t-elle, à La Provence : "J'ai déposé un baiser. Une empreinte rouge est restée sur la toile. Je me suis reculée et j'ai trouvé que le tableau était encore plus beau... Vous savez, dans cette salle vouée aux dieux grecs, c'était comme si j'étais bercée, poussée par les dieux... Cette tache rouge sur l'écume blanche est le témoignage de cet instant ; du pouvoir de l'art." Rindy affirme avoir ainsi vécu un acte d'amour d'une grande pureté qu'elle a traduit par ce geste artistique. La galerie a immédiatement porté plainte pour... vandalisme sur cette toile blanche estimée à... 2 millions d'euros. L'artiste a passé la nuit en garde à vue, dans le froid et la saleté d'un cachot, et sera convoquée devant les tribunaux dans les semaines à venir.

Acte troublant à plus d'un titre, tant il interroge la frontière qui sépare le monde des hommes du monde des dieux ou, si l'on veut parler en termes kantiens, ce qui relève du déterminable de ce qui n'en relève pas.
Le Larousse dit du vandalisme qu'il s'agit d'"un état d'esprit qui consiste à détruire ou mutiler les belles choses et en particulier les oeuvres d'art". Or rien dans les déclarations de l'artiste ne laisse entrevoir le projet de détériorer, bien au contraire. Il y a dans le geste de Rindy la gratuité d'un acte pris dans toute sa pureté : ni préméditation ni mise en scène médiatique, le seul témoignage demeurant les bandes de vidéosurveillance, dont il conviendra de déterminer par la suite leur statut : pièces à conviction ou oeuvres d'art ?

D'autre part, si l'on reste dans le monde des hommes, dans quel monde une trace de rouge à lèvres sur une toile blanche mérite-t-elle une comparution devant les tribunaux ? S'agit-il d'une maladresse, soit ! Alors un coup de lait démaquillant réparera la bévue. Mais la toile est estimée à 2 millions d'euros, soixante ans de salaire d'un professeur d'université. Il y a ici un rapport dissymétrique qu'il convient d'interroger et peut-être de corriger.

D'un côté, la légitimité affichée par la galerie et l'institution en général qu'une toile blanche puisse prétendre non seulement à accéder au statut d'oeuvre d'art mais aussi à une valeur marchande importante. De l'autre, la non-légitimité à traduire par un acte artistique (un baiser sur une toile) une puissante émotion. Assimiler un bisou, un acte d'une infinie tendresse, à du vandalisme peut constituer un dangereux précédent où l'on verrait l'art marchand officialiser sa haine de l'amour. A ce stade, il semble que le destin du geste artistique de Rindy soit lié à celui du geste artistique de Twombly (la toile blanche). La légitimité de l'un justifiant la légitimité de l'autre.

En effet, si le geste artistique de Twombly (la toile blanche) est légitime, le geste de Rindy est également légitime. Et si le geste de Rindy n'est pas légitime, alors la toile de Twombly perd également sa légitimité. Mais Twombly est un grand artiste, capable par ses oeuvres de produire de puissantes émotions. Et c'est parce que Twombly est un grand artiste que le geste artistique de Rindy est légitime. Mais pour comprendre pourquoi Twombly est un grand artiste, il faut quitter le monde des hommes et nous immerger dans le monde des dieux, autrement dit abandonner le monde de la détermination conceptuelle pour entrer dans celui de l'indétermination et de la finalité sans fin.

Twombly est le représentant d'un art en train de se faire, pas encore momifié, pas encore muséifié : l'art en mouvement, l'art comme expression de la vie. Imprégnée par l'impressionnisme abstrait, l'oeuvre de Twombly traduit la vitalité intérieure de l'artiste. La toile blanche prend son sens dans un ensemble qui traduit cette quête de l'intériorité. Peu après son geste, Rindy a évoqué comment les oeuvres de Twombly "redonnaient de la consistance ontologique à son être". Derrière cette phrase énigmatique, il convient de saisir ce que fut le parcours artistique de Rindy afin de comprendre pourquoi ce geste d'amour parachève la toile de Twombly.

Rindy est venue en France après que les Américains eurent entraîné le Cambodge dans la guerre dans les années 1960. Sa vie a été celle d'une réfugiée au destin tourmenté. Pendant que Twombly travaillait son univers, l'univers de Rindy était réduit en cendres, sa famille décimée dans les rizières de Battambang. Les peuples commettent parfois de grandes bêtises, doit-on pour autant s'éterniser à les haïr ?
Le baiser rouge sur la toile d'un artiste américain ne symbolise pas seulement l'acte incroyable d'un geste de réconciliation. Par-delà les souffrances subies, l'art est d'abord amour, voilà ce que Rindy semble nous dire par ce geste. Et, parce que l'art est amour, alors le baiser rouge possède une consistance ontologique.

Ces précisions apportées, il appartient désormais aux responsables de la Galerie Lambert de prendre leurs responsabilités. Ou l'on reconnaît qu'il s'est passé réellement un événement extraordinaire dans la salle consacrée à Platon, une sorte de fusion entre deux univers, qu'exprime le baiser rouge sur la toile blanche, témoignage de la puissance évocatrice de Twombly et de sa réception par Rindy. Et, en ce sens, le geste de Rindy parachève la démarche de l'artiste américain. Ou alors, en dépit de l'évidence de ce qui s'est passé, la Galerie persiste à assigner au baiser rouge le statut d'une souillure, et, dans ce cas, un doute souillera désormais l'authenticité de l'oeuvre de Twombly...

La toile immaculée représentait la pureté socratique. Rindy incarne dans sa chair et dans son sang la signification profonde de cette pureté. S'il vous plaît, M. Twombly, ne souillez pas votre toile, n'enlevez pas le baiser rouge de Rindy !

Écrit par : Jean de la nuit | mardi, 30 octobre 2007

Mon billet "Dirty" kiss ?" http://kl-loth-dailylife.hautetfort.com/archive/2007/08/index.html en date du 5 août dernier comportait un lien vers cet article signé Patrick Levieux.

Je ne partage pas le point de vue de cette personne.

D'autre part, que veut dire être le conseiller artistique d'un artiste ???
Les vrais artistes n'ont nul besoin de conseiller artistique car l'artiste est lui-même son propre, seul et unique conseiller artistique.
Il y a donc de l'imposture quelque part...

Écrit par : kl loth | mardi, 30 octobre 2007

Moi non plus je ne partage pas entièrement le point de vue de cette personne. Cependant le terme conseiller artistique n'est pas scandaleux en soi. Par exemple peut-on considérer que Jackson Pollock ne soit pas un vrai artiste? Or, Pollock était directement sous l'influence de Greenberg. Greenberg théorisait, ce que Pollock traduisait par son geste artistique. Greenberg était le conseiller artistique de Pollock, mais Greenberg a appelé cela autrement. Il s'est posé en critique. Dans l'ère du postmodernisme "le conseiller artistique" est un personnage promu à un grand avenir. Il est celui qui va donner de la consistance conceptuelle à la démarche des artistes. L'artiste est un être intuitif, il n'a pas à s'expliquer sur sa démarche, et encore moins à théoriser. L'art contemporain se meurt, car c'est devenu soit un culte pour dévots, soi une affaire commerciale. Cette situation est incohérente. C'est pour cela qu’il faut replonger l'art contemporain non plus dans le monde de la croyance, mais à la fois dans celui de l'émotion, du sens et de la perspective intellectuelle. Or, il me semble, que c'est précisément ce travail que doit effectuer "le conseiller artistique". Son job est de faire le lien entre le monde intérieur de l'artiste et le monde extérieur, à la fois des intellectuels, des savants, des philosophes, des historiens de l'art et aussi du public. Dans ce sens là, je ne vois pas en quoi le terme « conseiller artistique » serait choquant. Au contraire, il montre une profonde humilité de la part de l'artiste, qui reconnait ne pas maîtriser le discours le plus adéquat pour ouvrir sa démarche au public. Par exemple lorsque Bertrand Lavier, dit que ses œuvres parlent d’elles-mêmes, ou qu’il prend la parole pour ne prononcer que des banalités, on se dit que si son intelligence était nourrie par un conseiller artistique, cela lui serait particulièrement profitable. L'imposture, à ce qu'il me semble, c'est quand des artistes ne possèdent pas les outils du discours conceptuel, et qu'ils s'aventurent sur ce terrain-là au nom de l'autorité que leur confère leur réputation. Très peu d’artiste on su théoriser sur leur pratique : Klee, Kandinsky, Kaprow. Après on a beaucoup de bavardage inutile. Je parle de cela avec une certaine aisance, car moi aussi j’ai été dans un premier temps agacé par ce titre « Conseiller artistique ». Aussi par courrier électronique je m’en suis expliqué avec Patrick Levieux. Et je dois avouer, avoir été dans un premier temps, assez dérouté par ses explications. Cela ne correspondait à rien de ce que je connaissais. Cependant, après y avoir réfléchi, j’ai non seulement fini par être convaincu, mais j’ai repris à mon propre compte cette vue des choses qui me semble, là encore, être encore assez éclairante.

Écrit par : Jean de la nuit | mercredi, 31 octobre 2007

En ce qui concerne la toile, elle est vierge, elle n'est pas signée, elle venait du magasin, ce sont les gens de la collection Lambert qui l'ont installée, et elle ne datait pas des années 70. Cette pièce a été confectionnée, si on peut dire, pour cette exposition. Ce qui datait des années 70 c’est une partie du polyptique. C'est pour cette raison qu'on ne trouve aucune évocation de ce tableau dans les catalogues. Je m'en suis déjà expliqué, l'idée de la maison Lambert est d'entretenir la confusion pour faire payer les assurances en essayant de soutirer deux millions d'euros.

Écrit par : Jean de la nuit | mercredi, 31 octobre 2007

Je ne suis pas du tout d'accord, Jean de la nuit, avec votre conception des compétences de l'artiste, qui serait intuitif et ne maîtriserait pas les enjeux théoriques de son œuvre !
L'intuition, je ne peux guère en parler, je n'en ai pas, et ne vois même pas trop ce que c'est…
L'artiste qui ne s'interroge pas sur ce qu'il fait et ne maîtrise pas les enjeux théoriques de son œuvre, en général c'est un artiste sans intérêt, ou éventuellement un artisan.
"Il arte e cosa mentale" disait Léonard de Vinci, et il a tout à fait raison.
De toutes façons, réserver la pratique de l'art à ceux qui présentent certains caractéristiques (la notion caricaturale de "cerveau droit dominant" par exemple), et en exclure tous les autres, est inadmissible.
Il est d'ailleurs à remarquer que cette exclusion de la maîtrise intellectuelle de la pratique artistique justifie par contre l'exploitation de l'artiste par les autres professions qui vivent de l'art (marchands, curateurs etc.).

Expliquer l'œuvre de l'artiste au public non érudit est un travail de vulgarisation, de pédagogie, qui est différent de la théorisation de l'œuvre. Là effectivement, c'est le travail des médiateurs, qui n'est pas forcément du ressort de l'artiste, quoique actuellement, les artistes aient le plus souvent à s'en charger eux-mêmes, par exemple, dans le cadre des "bourses de résidence" ou autres sources de revenus.
Le critique n'est pas un "conseiller artistique". La notion de "conseiller artistique" sous-entend qu'il supplée à des compétences que l'artiste n'aurait pas pour mener son œuvre, or comme il s'agit du travail artistique lui-même, cela veut dire dans ce cas que l'artiste n'est ni plus ni moins qu'incompétent en tant qu'artiste.
Le critique a pour rôle de médiatiser l'œuvre auprès du public, en y introduisant un regard autre que celui de l'artiste, cette introduction de l'altérité facilitant l'approche de l'œuvre par le public.
Personnellement, quand j'écris un texte critique, considérant que l'artiste est lui-même capable de théoriser son travail, je m'efforce plutôt d'explorer le non-dit de l'artiste par rapport à son œuvre.
Il peut bien entendu exister un échange fécond entre artiste et critique, comme entre l'artiste et d'autres personnes, mais c'est un rapport d'égal à égal, et non de délégation de compétences (comme le recours à un conseiller juridique par exemple).
Je suppose que c'était le cas entre Pollock et Greenberg.
Quant à Lavier, ses œuvres visent à permettrent une approche immédiate. Qu'il n'ait du coup pas grand chose à en dire est donc cohérent avec son travail et n'implique nullement que son intelligence ait besoin d'être nourrie par un quelconque "conseiller". De l'intelligence, il n'en manque vraiment pas !

À noter, que le travail de l'historien de l'art est intéressant également, car il organise méthodiquement les données disponibles sur l'œuvre et la situe dans son contexte historique.

Écrit par : kl loth | jeudi, 01 novembre 2007

En ce qui concerne Rindy Sam, il est à craindre que toute cette élaboration théorique autour de son geste n'ait pour finalité que de masquer le problème initial. C'est à dire qu'elle n'ait pas complètement intégré la séparation entre soi et les autres. Le respect dû à l'autre, à son travail, à sa propriété…
Ainsi que le fait que le désir se heurte souvent au réel, et que l'on ne peut réaliser tous ses désirs, les imposer à l'autre (qu'il s'agisse d'amour ou de violence)…
Comme le dit la sagesse populaire : "la liberté finit là où commence celle de l'autre".

Tolérer, admettre l'irrespect des uns envers les autres, c'est faire le choix de défaire un des fondements de notre société et choisir la barbarie du plus fort et du plus violent.

Derrière le geste de Rindy Sam, il n'y a probablement que son inconscience des droits de Cy Twombly. Un banal problème de trouble psychologique.

Quant à Cy Twombly, le plus lesé dans l'affaire, puisque psychologiquement blessé, il ne demande que 1 euro de dommages et intérêts !

Écrit par : kl loth | jeudi, 01 novembre 2007

Bonjour,
L'homme n'est pas un être exclusivement construit sur sa rationalité. L'intelligence est ce qui nous permet de fonctionner de manière pratique dans le monde. Pour cela nous utilisons des catégories générales dont la fonction est purement pragmatique. Or, lorsque nous nous intéressons à ce qui constitue la singularité de notre être, ces catégories ne fonctionnent plus, elles sont trop générales. Dire à quelqu'un "je t'aime", permet d'un point de vue pratique de comprendre grosso modo de quoi il s'agit, mais en aucun cas cela traduit la richesse émotionnelle de celui ou de celle qui prononce ce "je t'aime".

La véritable réalité des choses, c'est par l'intuition que nous l'appréhendons et non par l'intelligence. Et le véritable artiste est celui qui précisément est capable de révéler par sa sensibilité intuitive un univers qui nous échappe à nous les gens "intelligents" c'est à dire englués dans le caractère pragmatique des choses.

Du coup demander à un artiste de théoriser sa démarche, c'est lui demander de quitter la dimension intuitive de son monde pour entrer dans l'univers de la compréhension, de l'intelligence, du pragmatisme, bref c'est lui demander de renoncer à son univers de s'effacer dans la singularité de son être pour rentrer dans le domaine de l'intelligence. C'est là quelque chose d'assez effroyable, quand on y réfléchit bien...
Pour prendre un exemple la figure de l'artiste, c'est la pythie grecque. Elle évolue dans une perception du monde qui lui est propre. Mais en même temps, on vient la consulter, pas seulement pour connaitre l'avenir mais pour donner du sens à notre propre existence. Peut-on dire que la Pythie n'avait aucun intérêt parce qu'elle ne maitrisait pas les aspects théoriques de sa pratique? L'exemple de Vinci n'est pas approprié, puisqu'on est là encore dans une conception des beaux arts.

La question de l'exploitation des artistes par des parasites est très pertinente. C'est un point que j'ai évoqué avec le conseiller artistique de Rindy Sam. Celui-ci m'a expliqué qu'aucun bénéfice personnel ne devait être tiré de cette fonction. Dans la mesure où l'art flirtait avec un monde supra sensible, il était hors de question d'en tirer un avantage financier. Donc pas d'argent. Mais pas seulement. Aucun bénéfice moral ou intellectuel ne devait non plus être tiré de cette fonction. Ce qui veut dire que la personnalité propre du conseiller artistique se dissout dans la genèse de l'oeuvre en train de se réaliser.

Pourquoi cet aspect si contraignant dans la relation qui unie Rindy Sam et son conseiller? Parce que la tentation serait trop grande pour le conseiller artistique de prendre de l'ascendance sur l'artiste. En effet, l'artiste, évoluant dans sa plus extrême sensibilité intuitive, se trouve bien dépourvue dans le monde pragmatique de l'intelligence, ce que n'est pas son conseiller artistique, qui armé de sa rhétorique pourrait très vite s’imposer. Mais là, nous ne serions plus dans l’art, mais dans une histoire minable de reconnaissance sociale. Dans cette histoire il convient de ne pas oublier que le conseiller artistique n'est pas l'artiste, il ne possède pas cette sensibilité. Il n'est qu'intelligent. En définitive d'un point de vue artistique il n'est rien et il doit le rester.

D'autre part, d'un point de vue historique, la fonction du critique est certes de faire le lien entre le public et l'artiste, car l'artiste, après l'abandon progressif du mimétisme naturaliste, se met à exprimer son intériorité. Or par son action le critique parachevait l'œuvre de l'artiste. Il ne s'agissait pas d'ajouter un commentaire pour éblouir des Dames du monde, mais bien de participer à la genèse de l'œuvre. Entre Greenberg et Pollock on entre dans un jeu de domination. Car Greenberg a plusieurs fois violemment frappé Pollock à coups de bâton pour l'obliger à travailler dans sa propre perspective théorique. On voit là aussi, qu'il s'agit d'autre chose que d'un échange fécond. Greenberg était le conseiller artistique de Pollock, les deux se complétaient. Greenberg pour l'intelligence, Pollock pour l'intuition et l'expression de la vivacité intérieure. Mais Greenberg était encore trop imprégné du monde social, on peut dire que Greenberg était un mauvais conseiller artistique car il était trop présent, son univers; son "intelligence" a fini par immerger " le monde intuitif" du pauvre Pollock.
Quant à Lavier il n'a ni intuition, ni intelligence, il n'a que de l'argent et sa Ferrari pour se consoler d'être ce qu'il est.

Écrit par : Jean de la nuit | jeudi, 01 novembre 2007

C'est tout à fait normal, Jean de la nuit, que vous soyez plus sensible à certains aspects de l'art, et imperméable à d'autres.
De là à déduire de vos préférences, ce que doit être l'art dans son ensemble… cela est contestable, même si d'autres personnes partagent probablement votre point de vue.
En effet, l'art s'est beaucoup developpé et a considérablement élargi son champ, comme jamais jusqu'à présent. Par conséquent c'est désormais un domaine d'activité extrêmement hétérogène, où cohabitent des approches diverses et éventuellement contradictoires.
Il n'y a aucune raison de bannir l'approche de la pratique artistique par l'intelligence, qui ouvre des champs de recherche très féconds.
Dire que l'intelligence c'est "l'engluement dans le caractère pragmatique des choses" est bien restrictif ! Il n'y a au contraire aucune limite à l'intelligence, et justement l'art est un domaine où l'intelligence peut se développer sans contraintes, contrairement à la science où les hypothèses doivent être soumises à la vérification de l'expérimentation, ou encore la philosophie qui a sa rigueur…

Pour ma part j'ai choisi d'utiliser cette façon de procéder, et de m'opposer à ceux qui s'efforcent de l'interdire aux artistes. Depuis une trentaine d'années, que ce soit par des textes, des œuvres, une revue (dans les années 80), des sites web…
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Pouvez-vous citer précisément la source d'où vous tenez cette information sur la nature des relations entre Pollock et Greenberg ?
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Pas d'accord du tout avec votre jugement sur Lavier ! Cet artiste explore avec subtilité les rapports des objets entre eux, ainsi qu'avec la peinture, la sculpture, le langage, le contexte socio économique, et l'imaginaire.

Écrit par : kl loth | vendredi, 02 novembre 2007

Ci-dessous le lien vers une destination très très étrange. Les commentaires sont à lire du bas vers le haut, lisez attentivement vous serez très troublés...

http://www.laprovence.com/articles/2007/10/27/145584-UNKNOWN-A-la-collection-Lambert-la-riposte-des-artistes-au-baiser-d-Avignon.php

Ce forum ne reçoit plus de contributions. Voici le nouveau forum où vous pouvez vous exprimer et entrer dans un jeu littéraire très novateur...

http://www.laprovence.com/articles/2007/11/05/150008-UNKNOWN-Sam-Rindy-a-recu-le-soutien-dePierrePinoncelli.php

Écrit par : Larme de pluie | mardi, 06 novembre 2007

Il s'agit d'un débat d'« avatars ».
L'apparition des avatars sur le net date de quelques années déjà.

Écrit par : kl loth | mardi, 06 novembre 2007

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