Du (sic) orange

La couleur orange n'est guère appréciée. Michel Pastoureau, historien, dans son Dictionnaire des couleurs de notre temps. Symbolique et société, paru en 1992 aux éditions Bonneton (pp. 138-139), précise que l'orangé "vient toujours en dernier ou en avant-dernier sur l'échelle des préférences", lors des enquêtes d'opinion consacrées à ce sujet. Lui même, bien que la trouvant admirable dans la nature, en juge les tons laids et vulgaires lorsqu'ils sont artificiels.

Pourtant… Huysmans en fait l'éloge par l'entremise du personnage de Des Esseintes, dans son livre À Rebours (éd. consultée 10/18, 1975, p. 65) :
"À toutes [les couleurs], il préférait l'orangé, confirmant ainsi par son propre exemple, la vérité d'une théorie qu'il déclarait d'une exactitude presque mathématique : à savoir, qu'une harmonie existe entre la nature sensuelle dun individu vraiment artiste et la couleur que ses yeux voient d'une façon plus spéciale et plus vive."

Toujours est-il que l'usage du mot "orange" s'est récemment modifié. On ne parle plus de l'orange ou de l'orangé, mais "du" orange, comme s'il s'agissait de prolonger la façon de parler de la petite enfance (peinturer avec du orange ?).
"Le" orange ?

L'usage fautif s'est répandu au point qu'on l'entende à la télé, ou même qu'on l'imprime dans un ouvrage de décoration. Si si !
(pardon, je pense qu'il vaut mieux ne pas citer les références de l'ouvrage que j'ai feuilleté en librairie).

Bleu Blanc Rouge (encore)

Je reviens sur le débat concernant les couleurs du drapeau français, suite au billet Marianne mise à nu (La Mercerie). L'historien Michel Pastoureau, dans son livre Dictionnaire des couleurs de notre temps. Symbolique et société, paru en 1992 aux éditions Bonneton (pp. 34-35), rappelle le contexte des idées révolutionnaires. Les couleurs bleu, blanc et rouge sont en fait reprises du drapeau américain et évoquent la Liberté. Elles sont une nouvelle combinaison des couleurs du drapeau britannique, où le bleu et blanc proviennent de la bannière écossaise fusionnée avec la bannière anglaise lors de l'accession au trône de James Stuart en 1903.
Curieuse histoire donc… Mais l'influence américaine est bien plus vraisemblable que le souvenir de saint Martin.

Néanmoins la référence à saint Martin est signifiante. Probablement une réinterpétation postérieure dûe à la bigoterie !

La vie en rose !

Il y a quelques mois, Le Monde publiait un article sur l'apparition du rose dans les goûts masculins, avec des signes révélateurs, comme l'emploi de cette couleur pour des équipes sportives.
À signaler aussi l'existence d'un blog franchement "militant" : #FF017D, Pourquoi les hommes n'auraient-ils pas droit au Rose ?!
Certes, le rose est apparu dans l'habillement masculin depuis les années soixante, mais peu osaient. On ne peut que se réjouir qu'un tabou séculaire vole enfin en éclats. Le rose quitte sa connotation mièvre pour devenir "rebelle".

Néanmoins, nous restons dans le contexte français, où les couleurs sont peu appréciées, peu arborées en tout cas. Le noir dans le meilleur des cas, et la "beigeaille" continuent à envahir le champ visuel pour la plus grande tristesse des esthètes.
En ce qui me concerne, le rose est mon signe de reconnaissance, et l'expression de mon dégoût des uniformes, notamment le noir dont le quasi monopole sévit dans le milieu artistique. J'apprécie aussi son effet antidépresseur (sans effets secondaires)…

À lire :
- Joël Morio, "Les garçons aussi aiment le rose", Le Monde, 04/09/06
- Annie Mollard-Desfour, Le Dictionnaire des mots et expressions de couleur. XXe-XXIe siècle. Le Rose, CNRS Dictionnaires, 2002, une mine d'informations !

(illustration : la teinte #FF017D)

Couleur ?

Qu'est ce qui se cache derrière le mot "couleur" ?

Service d'incendie