vendredi, 05 février 2010
"I shop therefore I am"
Les publicitaires puisent souvent dans l'art contemporain leurs sources d'inspiration.
Cette fois-ci c'est l'art conceptuel, qui pourtant à l'origine était — entre autres raisons — motivé par la volonté de résistance à la merchandisation de l'art, qui est recyclé par une célèbre marque de vêtements.
Il s'agit d'un habile mix de références, où l'on reconnaît entre autres, les "statements" (énoncés) de Lawrence Weiner, ou le travail de Barbara Kruger, pourtant très critique sur la manipulation consumériste (pensons au "I shop therefore I am", c'est-à-dire "j'achète donc je suis").
L'art conceptuel est très controversé, car aride formellement. La marque semble viser un positionnement élitiste, et sous-entendre qu'acheter ses produits n'est pas un acte de consommation, mais un acte de résistance à… la société de consommation.
Bien sûr le message véhiculé par les statements est différent de celui de l'art conceptuel : il s'agit de marteler des directives comportementales, ici tout converge vers le fait "d'être chaud" (HOT), ce qui est renforcé par l'usage du rouge vermillon.
À noter aussi cette autre campagne de la marque : "BE STUPID", autre directive comportementale développée par une animation sur le site web. Ne soyez pas raisonnable, soyez stupide* !
L'intérêt d'inciter à des comportements impulsifs est évident : dépensez sans réfléchir, ben voyons ! Juste un vieux message, il n'y a que la forme qui se renouvelle un petit peu, en empruntant à l'art contemporain l'un de ses aspects historiquement les plus critiques envers la merchandisation : pour la marque, vendre, faire croire à une attitude rebelle, exercer une influence en profondeur sur les comportements, en bref le bénéfice total : avoir le beurre et l'argent du beurre !
* on peut voir là aussi un parallèle (perverti encore une fois) avec le thème de l'idiotie dans l'art contemporain.
Cf. Jean-Yves Jouannais, L'Idiotie, Beaux-Arts Magazine livres, Paris, 2003, ISBN 2-84278-431-6.
(1) The artist may construct the piece.
(2) The piece may be fabricated.
(3) The piece need not be built.
Each being equal and consistent with the intent of artist, the decision as to condition rests with the receiver upon the occasion of receivership.
(1) L'artiste peut construire la pièce (= l'œuvre)
(traduction de kl loth)
14:54 Écrit par kl loth dans comportements…, de visu, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (13) | Tags : art contemporain, art conceptuel, détournement, influence, publicité, consommation, comportement, manipulation | 
Commentaires
Il faudrait abattre les artistes qui mettent ainsi leur créativité au service du capital.
Écrit par : michel jeannès | dimanche, 07 février 2010
Écrit par : michel jeannès | dimanche, 07 février 2010
Les publicitaires sont habiles, ils se sont débrouillés de façon à courir peu de risques par rapport à d'éventuelles poursuites pénales.
Qu'est-ce qui fait que cette marque ne se contente pas de jouer de l'originalité stylistique de ses produits ? Il y a vraiment là des implications inquiétantes.
J'ai fait ce billet dans une sorte d'urgence, moins de 24 heures après mon constat photo.
Assister à la conférence de Damien Beguet, sitôt ce billet terminé, met mal à l'aise.
http://php.bm-lyon.fr/phpmyagenda/infoevent3.php3?id=4591
Écrit par : kl loth | dimanche, 07 février 2010
com/com: pas plus que d'assister à un meeting de l'UMP ou un raout du MEDEF. Damien Beguet est un autosatisfait qui pense avoir inventé le bouton à quatre trous, comme disent les québécois, en découvrant les bienfaits du capitalisme.
Il véhicule le discours de la droite du "tout-entreprise", assène des phrases comme "le but d'une entreprise c'est de faire du profit" sans avoir réfléchi au fait qu'une "entreprise" , c'est avant tout un projet. Le sien est de survivre et véhiculer son nom à la manière d'une marque. Il ne semble pas se rendre compte que Philippe Cazal a déposé le sien en 1984, usant de tous les artifices de la publicité, ce qui à l'époque pouvait avoir une dimension analytique et/ou critique.
Artiste VRP de lui-même à l'ère des "petits malins".
En rentrant de sa conférence, j'ai eu la chance de tomber sur Arte sur une émission sur les mouvements de gauche d'Amérique Latine. Un Evo Morales qui nationalise le pétrole et les mines de son pays, arrive à le sortir de l'analphabétisme, à a une autre allure que le costume étriqué d'un "artiste" occidental qui fait joujou dans une chambre d'enfants gâté de l'art contemporain français en considérant que le ministère de la culture est une "entreprise" qui peut se gérer comme une marque, participant avec cette ideologie assujettie, au sapage des valeurs liées au service public.
Écrit par : michel jeannès | lundi, 08 février 2010
Le "travail" de Damien Beguet est une approche cosmétique de l'entreprise. Il demeure dans une dimension anecdotique (dont les conséquences ne sont pas / hélas / anecdotiques) : production de publicités, T-Shirts et autres communications fadasses. Quant à la "crêpe" (voile de veuve ?), produite avec une entreprise, fourrée à la banane (symbolique phallique ?) tronçonnée, con-gelée, j'en retiens qu'elle permettait de "caler l'estomac" des visiteurs de la biennale de Rennes, et dirais-je (serais-je mauvaise langue ?) de leur "en boucher un coin"…
( http://www.expressio.fr/expressions/en-boucher-un-coin.php )
C'est bien évidemment en-dessous du travail de Philippe Cazal, qui de surcroît avait une pertinence par rapport au contexte qui lui était contemporain.
C'est aussi en dessous des cessions de "Zones de sensibilité picturale immatérielle" du précurseur Yves Klein.
Damien Beguet arrive à gagner sa vie en "bouffant aux deux rateliers" de l'entreprise et du monde de l'art.
Il y a là un manque de sens critique de ses interlocuteurs du monde de l'art.
DB oppose pernicieusement les idéaux des années 60, la "volonté de changer le monde", à l'attitude actuelle qui consiste à s'y adapter. C'est décevant que Françoise Lonardoni y acquiesce (vraiment ?). Car les luttes politiques et sociales ont très nettement évolué depuis lors et face aux possibilités offertes par le "micro-politique", l'action locale, les luttes dans les "interstices", possibilités dont il ne tient nul compte, son travail n'est que complaisance.
Dans le domaine littéraire, du cinéma aussi je crois, existent des œuvres fortes sur le monde du travail. Je pense notamment au "Deawoo" de François Bon (publié en 2004 chez Fayard, puis en 2006 en édition de poche).
Dans le domaine psychiatrique, il y a les travaux de Christophe Dejours sur la souffrance au travail, cf. par exemple "Souffrance en France" (paru au Seuil en 1998).
Je me garde bien de faire un billet sur cette conférence, ne souhaitant pas alimenter un buzz qui serait paradoxalement propice à cet artiste. Mais peut être plus globalement, à l'issue de ce cycle de cinq conférences… à voir, à suivre éventuellement.
Et pour conclure, je recommande la lecture de ce petit livre (mais grand contenu) :
Florence Aubenas et Miguel Benasayag, Résister c'est créer, éd. la Découverte, 1ère éd. 2002.
-----------------
Dans le domaine artistique, à suivre, le "Syndicat potentiel" :
http://syndicatpotentiel.free.fr/
Écrit par : kl loth | lundi, 08 février 2010
DB oppose pernicieusement les idéaux des années 60, la "volonté de changer le monde", à l'attitude actuelle qui consiste à s'y adapter. C'est décevant que Françoise Lonardoni y acquiesce (vraiment ?)".
com/com: Je me suis fait une réflexion semblable; FL a tout de même prévenu Damien Béguet qu'à jouer ainsi la danseuse, il risquait d'être pris pour un bouffon. Comme elle a un parler délicat et aime les artistes, l'avertissement a peut-être valeur d'euphémisme. Mais ce n'est pas gentil, en revanche, pour la figure du bouffon qui, traditionnellement, incarne le contre-pouvoir. Admonestons publiquement FL et fustigeons-la là!
Écrit par : michel jeannès | lundi, 08 février 2010
DB oppose pernicieusement les idéaux des années 60, la "volonté de changer le monde", à l'attitude actuelle qui consiste à s'y adapter. C'est décevant que Françoise Lonardoni y acquiesce (vraiment ?)".
com/com: Je me suis fait une réflexion semblable; FL a tout de même prévenu Damien Béguet qu'à jouer ainsi la danseuse, il risquait d'être pris pour un bouffon. Comme elle a un parler délicat et aime les artistes, l'avertissement a peut-être valeur d'euphémisme. Mais ce n'est pas gentil, en revanche, pour la figure du bouffon qui, traditionnellement, incarne le contre-pouvoir. Admonestons publiquement FL et fustigeons-la là!
Écrit par : michel jeannès | lundi, 08 février 2010
com/com: la crêpe au chocolat fourrée à la banane, c'est plutôt une métaphore de la sodomie non? Enfin, ça bouche un coin aussi!
Écrit par : michel jeannès | lundi, 08 février 2010
Le 8 février 2010 sera donc le jour où le mot apparaît pour la première fois sur ce blog, tenu depuis maintenant 3 ans et 9 mois environ. En tout cas, c'est pas moi qui ai commencé !
Le fait que la crêpe soit congelée intrigue. Probablement pour éviter les conservateurs (et les graisses hydrogénées ?).
Le fait de demander aux visiteurs de la Biennale de Rennes d'attendre le temps de la visite avant de pouvoir déguster la "gâterie" est plutôt sympathique : le temps du désir…
J'ai déniché un article de blog concernant cette fameuse crêpe arty, où l'on apprend qu"« il est parfaitement impossible de conserver l’objet glacé dans son pantalon » (véridique !) :
http://biennalederennes.blog.lemonde.fr/2008/06/02/une-crepe-industrielle-congele-en-guise-dorganizer/
Écrit par : kl loth | lundi, 08 février 2010
Écrit par : Jean N. | mardi, 09 février 2010
Françoise Lonardoni est la responsable de l'artothèque de la bibliothèque municipale de Lyon.
Écrit par : kl loth | mardi, 09 février 2010
http://www.lamercerie.eu/indexartoteklyonarticle.html
Écrit par : michel jeannès | mardi, 09 février 2010
avec une référence très nette à Andy Warhol ( les paquets de lessive Brillo )
Écrit par : René Chabrière | mardi, 26 février 2013
Les commentaires sont fermés.