vendredi, 03 octobre 2008
Notre patrimoine émotionnel, nos références… (Catherine Millet)
"[…] Je mesure combien sont précieuses les écaillures d'images, tombées de lectures ou de visions de tableaux, de photographies, de spectacles de toutes sortes, tout au fond de notre mémoire, et qui finissent par cimenter notre patrimoine émotionnel très personnel. Nous y puisons, quand la nécessité se fait ressentir, des modèles desquels rapprocher les circonstances de notre propre vie et la manière que nous avons d'y réagir, ils constituent un socle sur lequel appuyer les questions qui nous tourmentent. Au point que, si notre personnalité nous a rendu sensible à telle ou telle œuvre, ou tel détail de cette œuvre, à son tour cette œuvre, ce détail, nous dicteront selon une dialectique parfaite une attitude ou un geste particulier. Et de même qu'un peintre qui a posé son chevalet dans la nature ne peint jamais complètement d'après nature, mais qu'il regarde celle-ci à travers le filtre de ses références à d'autres peintres, ce que nous appellons notre "nature", nos manifestations les plus spontanées d'amour, de haine, de joie ou de désespoir portent le sceau de nos lectures et de nos préférences esthétiques."
(Catherine Millet, Jour de souffrance, Flammarion, 2008, pp. 189-190)
02:30 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (4) | Tags : lecture, références, patrimoine, émotion, vie, catherine millet |
lundi, 04 août 2008
Entretenir et réparer…
L'hiver dernier Daniel Buren a réussi à alerter l'opinion à propos de l'état dégradé de son œuvre réalisée dans la cour du Palais-Royal (Paris). Des promesses ont été faites par le ministère de la Culture, que l'on espère être tenues prochainement.
Cette œuvre, intitulée Les deux plateaux, date de 1986, ce qui fait 22 ans déjà. Les colonnes proprement dites ont fait l'objet d'une réalisation soignée en marbre ; mais ce seraient la circulation de l'eau, la mise en lumière, l'étanchéité qui seraient désormais hors service, faute d'entretien en temps voulu.
Je n'ai pas vu cette œuvre impressionante depuis longtemps, et n'ai donc pas constaté moi-même les dégâts, mais il semble évident que dans de telles conditions, elle ait perdu une bonne part de sa "magie".
Lyon aussi a fait appel à Daniel Buren (en tandem avec Christian Drevet architecte) pour le réaménagement de la place des Terreaux située devant l'Hôtel de Ville et le Palais des Beaux-Arts. Ce fut Déplacement - Jaillissement. D'une fontaine, les autres, achevée en 1994.
Dès le début la réalisation technique m'avait semblée bâclée, les jets d'eau mal réglés par exemple…
Mais la place était métamorphosée, n'ayant plus rien à voir avec cette étendue sombre que l'on aperçoit brièvement dans le film de Bertrand Tavernier, l'Horloger de Saint-Paul.
Désormais de nombreux cafés y ont ouvert des terrasses, la vie sociale s'y épanouit et les enfants ne résistent pas à l'attrait ludique des jets d'eau.
Enfin… ne résistaient pas ! Car de l'eau il n'y en a plus. Ça marche plus !!!
Et la place est dans un état dégradé affligeant.
(Cf. ces photos que j'ai prises il y a trois ans déjà)
Interrogé à ce sujet Buren déclare : "C'est un désastre. Quand je séjourne à Lyon, je l'évite". (Vincent Feuillet, "Daniel Buren… et que la lumière soit !", À Nous Lyon, n° 62, du 24/09 au 07/10/07)
C'est bien compréhensible.
Si l'on néglige ainsi l'œuvre de l'artiste le plus réputé du pays, et sur des emplacements à forte visibilité. Il y a fort à craindre que l'on méprise encore bien davantage le travail d'artistes moins connus.
Mais le désintérêt pour l'art et les artistes dans ce pays, (et dans un certain nombre d'autres contrées) pourrait alimenter de nombreuses déplorations.
Quant à la Ville de Lyon, elle est candidate au titre de capitale européenne de la Culture 2013…
de l'emplacement d'une fontaine (à sec) :
21:02 Écrit par kl loth dans art public | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : buren, christian drevet, lyon, terreaux, art, patrimoine |