jeudi, 22 avril 2010
Les fissures (François Bon)
"On a devant soi les interviews, la masse des témoignages, des photographies existant par milliers […]. On réécoute les musiques. Il faut décortiquer les carapaces, ouvrir les silences, pour approcher ce qui tiendrait de ce qui tous nous relie : les hasards et le destin, l'arbitraire où parfois on se jette sans savoir ni pourquoi on le fait, et qui rétrospectivement se révèle nous avoir révélé à nous même. Cette tâche, la littérature y a trouvé depuis toujours son essence ou son terrain, parce que ce qui va d'un être à un autre c'est le langage, et que sa fonction est d'ouvrir le langage, d'en faire diffracter les transparences, et qu'alors, renvoyant à celui qui l'énonce, elle laisse un instant à cru ou à nu ce vieux mystère humain, qui nous fait marcher avant.
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Je n'y crois pas à l'écriture rock : mon instrument est aussi vieux que le leur, corde frottée ou pincée, ou la voix, ou la percussion, la langue n'a d'affinité qu'avec la sculpture.
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Ce qu'elle peut et doit, la langue, c'est chercher l'homme.
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Et comment on peut sur eux construire une vie […]. On n'entre dans un récit que lorsqu'il rouvre vos plaies personnelles. On n'écrit jamais sur les autres, on ne peut écrire que de soi.
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Il n'y a pas de littérature rock. Il y a entrer, avec la littérature aussi, dans les principales secousses du monde, et chercher. Et tant pis si les fissures vous contaminent."
(François Bon, Rock'n roll. Un portrait de Led Zeppelin, Albin Michel, 2008, pp. 105-110)
C'est bien plus qu'un livre sur l'histoire de Led Zeppelin, François Bon y parle du travail de création, de la musique, de l'écriture… à travers une approche très concrète, une construction soignée du récit.
00:57 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : littérature, musique, rock, écriture, soi, monde |