mercredi, 31 juillet 2013
Musées… (Hervé Guibert)
"Il se passe quelque chose d'étrange, dès que j'entre dans un musée, infailliblement, je me mets à bander, chaque frottement de mes pas lents retrousse et irrite mon sexe qui s'enfle le long du pantalon : au centre de l'Antiquité, un réflexe de vie me surprend, comme celui du pendu, je bande parmi tous ces visages morts, ces bustes de pierre, ces à-plats flamboyants."
(Hervé Guibert, Le Mausolée des amants. Journal 1976-1991, éd. Gallimard, coll. Folio, 2007, p. 183 ; 1ère éd. Gallimard, 2001)
00:49 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : musée, excitation, excitation sexuelle, art |
vendredi, 29 juillet 2011
Le Musée de l'Innocence (Orhan Pamuk)
"C'est en visitant le musée de Castelvecchio à Vérone, en gravissant les marches et en voyant la lumière tomber comme un voile de soie sur les sculptures grâce à l'architecte Carlo Scarpa que pour la première fois je perçus clairement à quoi pouvait être dû le bonheur que me procuraient les musées : cela tenait non seulement à leurs collections mais aussi à l'équilibre dans la disposition des images et des objets. Mais à Berlin, le bâtiment Martin Gropius qui abrita un temps le musée des Arts décoratifs m'enseigna que le contraire aussi pouvait être exact ; avec de l'intelligence et de l'humour n'importe quel objet pouvait être collecté, il fallait conserver tout ce que nous aimions et chaque chose concernant ceux que nous aimions ; même si nous n'avions ni maison ni musée, la poésie de la collection que nous avions constituée serait la demeure de ces objets."
(Orhan Pamuk, Le Musée de l'Innocence, Gallimard, coll. du Monde entier, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 2011, p. 628)
Aux environs de 1974, Christian Boltanski réalise une série d'inventaires, livre et installations, présentations d'objets souvent dérisoires, qui posent la douloureuse question : que reste-t-il d'une personne après sa mort ?
À cette période également, l'art contemporain explore la thématique des musées personnels, des mythologies individuelles.
Dans Le Musée de l'Innocence, dont la traduction est récemment parue en France, Orhan Pamuk narre une histoire d'amour et son relatif ratage qui amène le personnage principal, faute d'autres contacts, à dérober et collectionner les objets touchés par la femme qui l'obsède, Füzun (incarnation du Hüzün, forme stambouliote de la mélancolie ?)
À la mort de celle-ci il explore peu à peu le monde des collectionneurs et des musées de par le monde, surtout les plus petits, les plus personnels, tel celui du peintre Gustave Moreau à Paris.
Il est à noter que Pamuk lui-même confectionne actuellement ce musée, faisant basculer dans le monde réel la fiction décrite dans le livre. Les objets concrétisant alors des personnages fictifs. Pamuk se rapproche ainsi fortement des préoccupations de l'art contemporain.
En tout cas, le récit, s'appuyant souvent sur les objets et les lieux, déploie sur plusieurs centaines de pages, les multiples détails de la vie quotidienne stambouliote, observés avec une acuité et un intérêt communicatifs, ainsi que les subtiles variations des tourments du narrateur, en proie à un amour ravageur.
Passionnant !
Pour ma part, j'ai lu ce livre avec un intérêt d'autant plus grand que j'y ai retrouvé nombre de points de convergence avec des préoccupations à l'œuvre dans le travail poursuivi dans le cadre des Ouvrages de Jeune Fille Recluse, même si la situation narrative est différente.
Par exemple, l'intérêt pour musée et collections, la motivation du collectionneur, du conservateur, le type de personnalité concerné, et surtout la possibilité pour les objets de donner corps à un personnage fictif ou simplement absent.
Ce livre touche au plus profond à des interrogations qui ont été, ou sont toujours les miennes.
"Parfois... à partir d'un certain moment, la vie qui s'organise / qu'on organise comme un musée
gigantesque collection
rassemblement
mise à l'abri de tous les souvenirs, de tous les objets auxquels s'est attachée - ne serait-ce qu'un instant - la pensée (sous forme de désir par exemple...)
et puis aussi tous les documents sur soi, sur les autres...
courrier notes sur petits carnets... listes, comptes... dans un gigantesque grimoire... les armoires lorraines... meubles de famille
... l'amas matériel de toute une vie...
peut-être parfois un désir de tout pervertir, falsifier... peut-être que cela revient au même...
et les saccageurs qui détruisent tout
libération ?
sentiment d'une mutilation
dissolution de l'existence - d'un morceau du passé..."
(C. Loth, Ouvrages de Jeune Fille Recluse, 1976-79)
Quelques articles :
— Orhan Pamuk : "J'écris pour me sauver" (entretien), lesinrocks.com, 22/10/2009
— "« Le Musée de l'Innocence » de Orhan Pamuk aux éditions Gallimard", blog Musée-Oh, 19/07/2011
— "Le Musée de l'Innocence. Orhan Pamuk", Nathalie Crom, Télérama n° 3194, 02 avril 2011
— Chloé Brendlé, "Le Musée de l'Innocence, d'Orhan pamuk, Le Magazine Littéraire, 27/04/2011
— Autobiographie d'Orhan Pamuk sur le site du Prix Nobel
et la référence du livre :
Orhan Pamuk, Le Musée de l'Innocence, Gallimard, coll. du Monde entier, traduit du turc par Valérie Gay-Aksoy, 2011
© kl loth 2011
13:03 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, en revenant de l'expo (de la conf. etc.), love | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : roman, orhan pamuk, pamuk, musée, collection, amour, obsession, objets souvenir |
lundi, 07 juin 2010
Centre Pompidou-Metz (2)
00:54 Écrit par kl loth dans en revenant de l'expo (de la conf. etc.), Metz encore, promenade touristique | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : art, musée, centre pompidou metz, metz, architecture, shigeru ban |
samedi, 26 décembre 2009
De Mudam ass schéin !
(= Le Mudam - musée d'art moderne Grand Duc Jean, Luxembourg - est beau)
Nouvelle petite promenade à Luxembourg-Ville ce 17 décembre 2009, cette fois-ci pour découvrir le Musée d'Art Moderne Grand Duc Jean, ouvert depuis 2006 seulement…
Il fait environ moins quatre degrés, et la lumière est très belle. Le bâtiment, contruit par Ieoh Ming Pei sur les vestiges d'une forteresse construite par Vauban, a belle allure.
Mais à l'intérieur, force est de constater que l'architecture capte fréquemment le regard, au détriment souvent des œuvres présentées, qui sont comme écrasées.
Je pense alors aux travaux pertinents de Daniel Buren, en lutte pendant longtemps contre l'instrumentalisation des œuvres par les organisateurs des expositions…
(cf. Daniel Buren, Les Écrits (1965-1990), textes réunis et présentés par Jean-Marc Poinsot, CAPC Musée d'Art Contemporain de Bordeaux, 1991, France, 3 tomes)
Les œuvres d'ailleurs, me déçoivent un peu, trop formalistes à mon goût. Il faudra que je revienne une autre fois, voir d'autres expos, pour me faire un jugement plus étayé.
On est loin des œuvres montrées cette année à la Biennale d'art contemporain de Lyon (Le Spectacle du quotidien), fortement ancrées dans la vie des gens et leurs préoccupations.
Et cela n'a pas grand chose à voir non plus avec ma sensibilité pour l'affectif, l'autobiographique, et le vécu de la ville au quotidien…
L'œuvre la plus spectaculaire et réussie est une chapelle gothique de l'artiste belge Wim Delvoye, installée de façon permanente. Wow !!!
Tout ou presque y est évoqué : l'héritage culturel (architecture et ornementation gothique), magistralement détourné, le socio-économique (utilisation de l'acier corten), l'image médicale, la mort, le sexe… et l'humour !
Dans la plus grande salle, une médiatrice conte une sculpture au "firmament" de la verrière à un groupe de jeunes enfants, visage passionné, ton captivant. Je n'ose rester à écouter, malgré ma curiosité pour découvrir les mots que fournit la langue luxembourgeoise pour commenter l'art ("Konscht").
03:18 Écrit par kl loth dans promenade touristique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : mudam, luxembourg, musée, art, art contemporain, architecture, ieoh ming pei |
mardi, 25 septembre 2007
Tenu en laisse
"Par l'effet d'une rancune ancienne et longuement ruminée, je ne suis jamais retourné au Musée, qui, touchant le lycée d'aussi près que le Jardin des Plantes, en représentait vraiment pour moi le pôle négatif : les incursions "culturelles" qui m'y amenaient tenu en laisse comme un chien battu m'ont fait prendre la peinture en exécration pour un quart de siècle."
(Julien Gracq, La Forme d'une ville, José Corti, 3° édition 2006, pp. 39-40 (1ère édition 1985))
Certes les musées sont devenus plus attrayants, et les collègiens ne sont plus soumis à une discipline aussi rigoureuse que lors de la jeunesse de Julien Gracq… mais cette citation explique bien le terme de "public captif" qui est utilisé en muséologie.
Comment faire découvrir l'art à des publics qui en sont éloignés sans avoir recours à la contrainte ? Au risque de rebuter même des personnes pourtant sensibles…
18:15 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Julien Gracq, musée, public captif |