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vendredi, 03 août 2007

L'autonomie de l'art (Kaspar Koenig)

"L'autonomie de l'art pour laquelle on s'est battu avec tant d'acharnement n'existe plus depuis longtemps. […] Les nouvelles idées et conceptions artistiques ramènent toujours au commerce de l'art, sans pour autant exercer d'influence sur une situation culturelle générale, sur une réflexion historique ou une représentation de l'avenir."
(Kaspar Koenig s'exprimant dans le cadre d'une interview pour Art Press, in Harry Bellet, Philippe Dagen et Emmanuelle Lequeux, "Art contemporain : un grand tour en quatre étapes", Le Monde, article du 07/06/07 mis à jour le 25/07/07)

Censure économique…

15:15 Écrit par kl loth dans rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, art contemporain, marché de l'art |

vendredi, 27 juillet 2007

Quelque chose de dangereux

À travers les multiples tentatives qui sont faites pour introduire l'art dans le grand public, on voit bien la difficulté d'ajuster croyances et réalités économiques dans notre société. Pour beaucoup de gens, l'art demeure quelque chose de dangereux, d'inutile, d'élitiste et de coûteux, et dont la survie dépend uniquement du mécénat de bourgeois riches et dégénérés.
Les artistes eux-mêmes n'ont guère meilleure presse, étant souvent représentés comme des créatures excentriques, dangereusement subversives qui, non contentes de vivre dans la débauche, sont probablement subventionnées par l'argent des contribuables.
Au demeurant, les causes aussi bien que les effets de ces diverses attitudes sont on ne peut plus clairs. Certaines formes artistiques sont subversives par nature. En entraînant le spectateur à faire l'expérience du monde à travers une sensibilité artistique vraiment différente, une œuvre d'art de qualité met forcément en cause son système de valeurs et de représentations.

(David Bayles & Ted Orland, Petit éloge des arts. Repérer et surmonter les peurs propres à toute pratique artistique, traduit de l'anglais par Patricia Landry, éd. Retz, 2007, pp. 74-75 (1ère éd., Art & Fear, observations on the perils (and rewards) of artmaking, Image Continuum Press Edition, 1993)

Ce qui vous tient à cœur !

On trouve partout des preuves de la pérennité des grandes questions artistiques. […] On raconte les quelques histoires que l'on se sent irrésistiblement appelé à raconter, des histoires dans lesquelles on retrouve toujours ce qui nous attire. Et pourquoi devrait-on en avoir plus de quelques unes ? La seule œuvre qui vaille vraiment la peine — la seule que vous puissiez créer avec la force de conviction nécessaire — est celle qui touche précisément à ce qui vous tient à cœur. Ne pas vouloir s'attacher à ce qui tient à cœur, c'est comme tourner le dos à ce qui est essentiel et invariable dans sa propre vie.
(David Bayles & Ted Orland, Petit éloge des arts. Repérer et surmonter les peurs propres à toute pratique artistique, traduit de l'anglais par Patricia Landry, éd. Retz, 2007, pp. 124-125 (1ère éd., Art & Fear, observations on the perils (and rewards) of artmaking, Image Continuum Press Edition, 1993)

Pour qui connaît bien la pratique de l'art, ces propos sont une évidence. Mais j'ai hélas constaté que beaucoup de personnes étrangères à l'art ignorent tout simplement cela, suggérant à l'artiste de faire autre chose, un travail de commande… quelque chose de plus commercial… de changer de thématique… de changer de métier même…
Pourtant, hormis une petite marge de manœuvre, un artiste ne peut guère faire autre chose que ce qu'il fait. Cela est tout simplement impossible !

13:35 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, pratique de l'art, vie |

dimanche, 15 juillet 2007

Un artiste ? Lui ?

"Je ne suis pas un théoricien, moi, je ne suis pas un idéologue. Oh, je ne suis pas un intellectuel ! Je suis quelqu'un de concret", disait Nicolas Sarkozy.
Pas un intellectuel, peut être. Un artiste, sûrement.

(Dominique Dhombres, "Un intellectuel ? Non. Un artiste !", Le Monde, 21/06/07)


Plusieurs articles récemment ont parlé de notre nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, en le qualifiant d'artiste, ce qui me semble évidemment blessant pour beaucoup d'artistes.
L'art étant une quête de sens, une exploration du réel et de l'imaginaire (avec éventuellement une dimension critique), quel rapport peut-on donc trouver entre l'art et ce brouilleur de repères, ce manipulateur des choses, des images et des personnes qu'est M. Sarkozy ? Lui dont toute l'habileté consiste à séduire les esprits… et à paralyser le sens critique ?
Il me semble qu'il aurait été plus judicieux de le qualifier de manipulateur virtuose.
Ou peut être, d'avoir la rigueur de rappeler le sens ancien du mot artiste, "personne qui pratiquait un métier, une technique difficile", ainsi que du mot art, "ensemble de moyens, de procédés réglés qui tendent à une fin" (selon le Petit Robert).

Quelle idée se font donc certains du rôle des artistes ?
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00:35 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Sarkozy, artiste, art, rôle de l'art, manipulation mentale |

jeudi, 17 mai 2007

Artistes en colère

L'Humanité a publié le 5 mai dernier l'appel "L'art c'est la vie !", signé par de nombreux artistes français, dénonçant les dérives de l'action du ministère de la Culture.
À la différence des prises de position réactionnaires de M. Rémy Aron, prétendument au nom de la Maison des Artistes, voire de 99% des artistes… ici il s'agit d'artistes de grande qualité, déjà réputés, à qui l'on ne peut donc faire le reproche de frustration. Mais il est peut être un peu tard pour ce débat… à l'heure où nous ne savons même pas si le ministère de la Culture conservera son autonomie ou sera intégré à celui de l'Éducation nationale. Que deviendra la Culture dans les cinq prochaines années ?

L’art c’est la vie !
Appel (1)

De quoi a besoin la création pour exprimer sa vitalité, loin des carcans officiels et idéologiques ?

Nous sommes tous des engagés volontaires pleins d’énergie. L’art est notre vie. Mais, en France, l’action du ministère public qui cherchait à favoriser la vitalité créatrice des arts plastiques en désorganise désormais de plus en plus profondément le cadre naturel par ses excès :

- la normalisation et le monopole d’un certain art officiel,

- les manipulateurs masqués qui, au sein des institutions et notamment au Musée national d’art moderne, imposent une pensée unique, soumise au marché et à la mode, obsédée par l’art tendance, les accrochages big bang, et l’art spectacle,

- la centralisation abusive du pouvoir entre les mains d’un petit groupe de censeurs qui, au sein de la délégation aux Arts plastiques et du Musée national d’art moderne, dévoient l’action de ceux qui pensent et veulent agir autrement,

- la censure et le mépris que ces agents doubles du marché international imposent à la création en France au mépris de leur fonction, - le détournement des FRAC, victimes des mêmes influences,

- l’isolement et l’exclusion dont sont victimes des fonctionnaires indépendants d’esprit et non conformes aux diktats officiels. - les choix incohérents, inconstants, et mondains de Cultures France (ex-AFAA).

Pour exprimer sa réelle vitalité, la création en France a besoin d’être libérée de cet encadrement officiel. Sa diffusion par le ministère public doit découler naturellement de son histoire et témoigner de sa véritable diversité. Nous demandons :

- l’équité et le pluralisme des générations et des courants dans les présentations officielles de la création contemporaine en France.

- la répartition équitable des lieux d’exposition temporaires, galeries contemporaines du Centre Pompidou, galeries nationales du Grand Palais, espaces du Palais de Tokyo, et galerie du Jeu de Paume, entre les différentes générations et courants d’artistes vivant et travaillant en France.

- la création de conseils d’orientation pour garantir à la fois la pertinence, la transparence, le pluralisme et l’équité des orientations et des choix du Musée national d’Art moderne, de la délégation aux Arts plastiques, et de Cultures France.

- une participation significative des artistes à ces conseils. - le soutien des initiatives privées par des mesures d’encouragement efficaces.

- l’enseignement artistique à l’école enfin pris en compte dans les évaluations et doté des moyens nécessaires,

- un lieu vaste et ambitieux pour montrer en permanence et sans complexes, à Paris comme à Londres, à Madrid, et à New York, toute la vitalité, la diversité, et l’originalité de l’art en France.

(1) Premiers signataires : Pat Andréa, Dominique Angel, Anne Anthony, André-Pierre Arnal, Bruno Badoux, Marielle Baldelli, Vincent Barré, Claude-Henri Bartoli, Nancy Barwell, Louis Bec, Gonzalo Belmonte, Vincent Bioulés, Jean-Claude Bohin, Jacques Bosser, François Bouillon, Mark Brusse, Myriam Bucquoit, Pierre Buraglio, Alex Burke, Florence Callot, Christian de Cambiaire, Louis Cane, Béatrice Casadesus, Hervé Castanet, Frank Chalendard, Jean-Paul Chambas, Claude Chaussard, Miguel Chevalier, Alain Clément, Claire Colin-Collin, Gérard Collin-Thiebault, Bernard Crespin, Henri Cueco, Marinette Cueco, Caroline Culand, Antoine de Bary, Anne Deguelle, Joël Desbouiges, Patrick Des Gachons, Daniel Dezeuze, Hervé Di Rosa, Cécile Doubre, Joël Ducorroy, Erro, Marie-Héléne Fabra, Pascal Fancony, Serge Fauchier, Hervé Fischer, Fabienne Gaston-Dreyfus, Paul-Armand Gette, Danielle Gibrat, Anne Gorouben, Daniel Humair, Christian Jaccard, Robert Janitz, Jean-Luc Jehan, Jacqueline de Jong, Peter Klasen, Joël Kermarrec, Alain Lambilliote, Jean Le Gac, Nathalie Leroy-Fiévée, Elizabeth Mercier, Jean-Michel Meurice, Bertrand Meyer-Himhoff, Michel Mourlot, Bernard Pagès, Jean-Luc Parant, Anne-Marie Pêcheur, Ernest Pignon-Ernest, Augustin Pineau, Pierre Pinoncelli, Anne et Patrick Poirier, Edouard Prulhière, André Raffray, Bernard Rancillac, Yves Reynier, Marcel Robelin, Guy de Rougemont, Marie Sallantin, Michel Sicard, Pascal Simonet, Pierre Skira, Vladimir Skoda, Tony Soulié, Peter Stampfli, Soizic Stokvis, Klaus Stoeber, Julien Terdiman, Jean-Paul Thibeau, Thierry Thoubert, Pierre Tual, Gérard Titus-Carmel, Vladimir Velickovic, Claude Viallat, Vuk Vidor, Jean-Louis Vila, Jan Voss, Michèle Waquant, Pierre Marie Ziegler.

16:50 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, art contemporain, place de l'art, ministère de la Culture |

vendredi, 27 avril 2007

Maison des Artistes Galimatias… (suite)

L'affaire prend de l'ampleur. Il y a aujourd'hui un article dans Le Monde, ainsi que dans le Journal des Arts.
La démission du président de la Maison des Artistes est demandée !

17:45 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (4) |

dimanche, 22 avril 2007

Maison des Artistes Galimatias…

Consternation !
Rémy Aron, président de la Maison des Artistes, prend position publiquement en faveur de Nicolas Sarkozy !
Ce qui pose problème, c'est qu'il le fait en se prévalant d'un organisme auquel sont affiliés obligatoirement tous les artistes qui ont suffisamment de revenus pour bénéficier du statut professionnel.
La vidéo est un entretien avec José Frèches sur la condition de l'artiste aujourd'hui, et développe une argumentation à partir du rejet par les institutions françaises de la majorité des artistes.
Si cet état de fait est indéniable, Rémy Aron et les autres invités, en attribuent la cause au développement de l'art moderne depuis 25, 35 ans (sic), à l'influence de Marcel Duchamp, à l'« idéologie conceptuelle » (sic), à l'usage de la transgression.
Une fois encore, c'est la vieille rengaine anti art contemporain qu'on nous ressort. Les orateurs prônent un travail sur la « beauté », l'« émotion », parlent de « métier », d'apprentissage du dessin, de hiérarchie des « valeurs », en jouant habilement du sens technique de ce mot (l'équivalence d'une couleur par rapport à une échelle de gris)…
Tout le formidable apport de l'art contemporain depuis 40, 50 ans déjà, l'extension à tous les domaines de la sensibilité, de l'activité humaine, de la réalité physique, sociale, et du psychisme, tout cela passe à la trappe avec ces messieurs : retour aux limites d'avant... et appliquez-vous bien sur votre feuille !

Dans la France de Sarkozy mettra-t-on une caméra de surveillance dans les ateliers des artistes déviants ?

Cf. la vidéo : http://www.dailymotion.com/video/x1p1dp_focus-08-artistes...

01:35 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : politique, maison des artistes |

lundi, 16 avril 2007

Comme un étranger…

"Penser l’art, c’est se trouver comme un étranger dans cette chose généralement connue sous le nom de réalité - être dérouté, en somme."
Antonia Birnbaum, "Espaces en folie", Multitudes 15, hiver 2004)

15:30 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : art, réalité |

vendredi, 13 avril 2007

Culture et revolver

"« Quand j'entends le mot culture, je sors mon révolver » (…) n'est pas de Goering […]. Ni de Goebbels. Mais, comme je l'ai indiqué dans Le Nazisme et la culture (Complexe, Bruxelles, 2001), d'un poète et auteur dramatique anciennement expressionniste et devenu nazi : Hans Johst… La phrase a été reprise, dans un sens non conforme au texte original, par un dignitaire du IIIe Reich" (Lionel Richard, cité par Francis Marmande dans "Fêtes, fastes, fatrasies et autres reliefs", Le Monde, 12/01/2006) 

Bon… rendons à César… 

16:03 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : culture, nazisme, Goebbels, Goering |

vendredi, 06 avril 2007

L'argent de la culture

Un article du Monde attire l'attention sur une affligeante gabegie.
En effet l'argent des subventions versé trop tardivement, a pour conséquence que plusieurs millions d'euros servent… à payer les aggios et donc à enrichir directement les banques et ne profitent pas à la création culturelle.
Cela est d'autant plus scandaleux, que le montant et l'organisation du budget de la culture ne permettent qu'un financement dérisoire de la création des arts dits "plastiques", et que lorsque les artistes demandent une juste reconnaissance financière de leur activité, on les accuse d'avoir une mentalité d'assistés !

13:30 Écrit par kl loth dans rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (1) |

lundi, 12 mars 2007

Traîner des valises…

«Des amoncellements de valises, ou pire encore...»
Une lettre de François Quintin, directeur du FRAC Champagne-Ardenne, publiée par plusieurs supports dont Libération le 1er mars 2007, attire l'attention sur l'émission de TF1, J'ai une question à vous poser, où le 12 février* dernier, Jean-Marie Le Pen répondait aux questions d'un panel d'auditeurs.

Le discours de Le Pen est rodé, acclimaté aux exigences du démocratiquement correct, apte à séduire même certains Français issus de l'immigration, et en tout cas à rendre caduque toute réfutation simpliste.
Cependant la culture n'est pas une préoccupation majeure de la campagne présidentielle 2007, et lorsque M. Daniel Rousset posera la "question de la culture" (grande absente selon le modérateur P. Poivre d'Arvor), la réponse de JM Le Pen, visiblement mal préparée, accroche sur quelques "détails" fortement signifiants.
Tout d'abord il évoque la connotation un peu germanique qu'aurait pour lui la culture, culture avec un K, ce qui laisse pantois (et encore plus pantois après vérification de l'étymologie dans le Petit Robert). On pense alors au sinistre propos de Göring : "Wenn ich Kultur höre ... entsichere ich meinen Browning !" (quand j'entends le mot culture, je sors mon revolver). Le Pen développe un peu, citant la philosophie parmi les "matières" englobées par le terme générique "culture".
Justement… on devrait l'interroger davantage sur la philosophie, cette discipline où la pensée et le sens critique sont poussés au plus loin.
Puis il affirme que l'État n'a pas à se faire le promoteur de telle ou telle forme d'art, ce qu'il ferait "avec ses gros sabots" (en passant par la Lorraine ?), et cite les FRAC, où l'État achète des "amoncellements de valises... des sculptures bizarroïdes... ou pire encore !"
F. Quintin à ce propos développe abondamment dans son article toute la pertinence des œuvres contemporaines mettant en scène des valises.
Pour ma part, je soulignerai simplement combien ce choix d'un simple mot, sensé stigmatiser la médiocrité de l'art contemporain, s'avère révélateur et porte en lui la mémoire de la déportation des juifs dans l'Allemagne nazie, des "porteurs de valise" de la guerre d'Algérie, et plus généralement de l'immigration (cf. la "valise en carton" d'une chanteuse de variétés) : un seul mot pour condenser trois des axes les plus contestables de la pensée frontiste.
Trahison de l'inconscient !

* La lettre de F. Quintin indique par erreur la date du 11 février.

medium_rheinsberg-koffer.jpg
Pour illustrer ce billet, l'œuvre peu connue en France de Raffael Rheinsberg, Koffermauer, Klagemauer (Mur de valises, mur des lamentations), exposée à la Maison des artistes de Kiel en 1978 (document extrait du catalogue Tenter le diable sans peindre au mur. Raffael Rheinsberg, Maison de la Culture André Malraux de Reims, 1985)

13:50 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art, zeitgeist | Lien permanent | Commentaires (5) |

mercredi, 07 mars 2007

Les artistes invisibles

"Pourquoi y a-t-il toujours trop d'artistes ? Cette surabondance s'explique avant tout par le phénomène d'incertitude qui accompagne nécessairement l'activité créative : les critères de réussite artistique ne pouvant se définir a priori, le capitalisme créatif laisse proliférer une réserve de créativité artistique disponible -- un bassin des travailleurs de l'immatériel, dont la productivité est captée stratégiquement à des fins d'accumulation. Ce "trop d'artistes" se définit donc par rapport aux moyens financiers disponibles : ce qui manque n'est pas le volume d'activité expérimentale mais le volume financier effectif. Puisqu'on ne peut jamais savoir, ni réellement prévoir, les véritables sources de l'inventivité, les artistes - ces professionnels de la transformation de l'implicite en explicite (puisque c'est dans cet intervalle qu'a lieu l'activité artistique) - sont en permanence maintenus, à leur insu sinon à leur corps défendant, en surnombre. S'il y a "trop d'artistes" pour les raisons évoquées, il y a bien plus qu'on ne croit -- des légions d'artistes visuels mais invisibles, leur coefficient de visibilité artistique étant trop affaibli pour qu'ils apparaissent sur les écrans de radar du monde de l'art institutionnel. Ces artistes "espions", dont le nombre ne cesse de croître, sacrifient leur index dans l'économie réputionnelle à une plus grande capacité à nuire à l'ordre sémiotique. C'est le revers de la medaille de cette réserve de compétences artistiques, maintenue en état de disponibilité par le capitalisme créatif.
Donc il y a le "trop d'artistes" visibles, et le "trop d'artistes" invisibles.

(Stephen Wright, critique d'art)

Cf. le site http://www.tropdartistes.be/

23:20 Écrit par kl loth dans rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (2) |

dimanche, 25 février 2007

Trancher dans le réel… (Frédéric Lefeuvre)

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L'odeur du granit

Territoires intimes d'Armorique

Le photographe tranche dans le réel, communément on dit qu'il écrit avec la lumière. Derrière la toile des apparences que capte la rétine, avant que les dés ne soient jetés, il a le pouvoir d'offrir une face visible au vécu intime des choses.

Je construis des images en passant, en passeur si possible, tout en laissant disponible ma pensée, et en pansant les plaies du temps à partir d'une géographie intérieure et muette. Aucune chapelle esthétique ne se cache derrière elles. Elles se veulent l'union d'une rencontre et d'une émotion. De celle qui est marquée par une quête de l'insaisissable.

Tout d'abord, au niveau de l'acte de prise de vue, mon cheminement se nourrit d'histoires anciennes et de la vibration des lieux ; c'est une forme de photographie contemplative à l'écoute des silences et des signes de ce qui « a été ». On fait toujours les mêmes photographies, on marche toujours vers le même horizon, on creuse toujours le même trou pour faire naître toujours plus d'apparitions. Il faut toujours chercher ce qui est derrière le cadre assassin du photographe.

Ce qui m'émeut, c'est le contact direct de la main avec les fibres du papier bromure qui révèle le négatif exposé par la chambre noire. Je procède avec des produits actifs par tamponnage, par caresses et par glissements successifs d'arabesques sur le support baryté. Les vapeurs murmurent avec le hasard. Parfois l'émulsion dégage des saveurs délétères, elle fume, elle brûle, elle irrupte des ombres sorties de mes mirages ; ce qui doit « être » depuis mes chaudrons infernaux, persistera et existera.

Dans mes paysages de Bretagne, j'espère renouer avec l'authenticité et la beauté d'un territoire qui souffre d'un déficit esthétique dans sa perception. Je recherche le lien, puis l'empreinte. La pensée ne se détruit pas, elle remonte toujours le puits du temps. C'est tout le contraire d'un système : le mode opératoire est aléatoire et détaché de la technique ; le but est de se perdre en chemin, de se mettre en danger parmi une mosaïque de paysages et de nouvelles frontières.

En fait, j'opère en utilisant une forme d'écriture automatique portée par une sensibilité en rupture. C'est une histoire de respiration et de fenêtres ouvertes sur une ballade poétique. Ma démarche est une œuvre de « déconstruction » des images telles que la société les conçoit. Notre regard est devenu économique et sous contrôle. Aussi, il m'importe plus que jamais de maintenir mes désirs photographiques dans la magie et le souffle si vulnérable de la vie.

Frédéric Lefeuvre
Février 2007


medium_FL-Tome-IX-2-07.jpgLe texte et la photo proviennent du dernier livre d'artiste de Frédéric Lefeuvre qui date de février 2007,
à travers sa collection : Les Editions du Chêne Rouge limitées à 12 Tomes de 12 exemplaires.
Le dernier livret paru à ce jour est le N°9 qui se nomme : L'odeur du granit en référence aux émotions
que l'on éprouve parmi les chemins creux de Bretagne,
la rencontre du minéral, de la nature et du vent.

lundi, 19 février 2007

un projet de résistance (F. Bayrou)

Le sujet culturel, nous avons souhaité qu'il devienne un sujet principal dans une campagne qui l'ignore entièrement.
[…]
La culture est pour nous au cœur de ce qu'est une société, au cœur de notre projet de société.
Jacques Chirac a été un défenseur de ce principe : la culture ne doit pas se rendre aux contingences de la société marchande. Nous Français, et j’espère nous Européens, nous sommes ceux qui considérons que l’univers culturel ne peut pas se résumer à son aspect marchand. Naturellement il faut que les auteurs vivent, que les producteurs puissent être rémunérés. Mais tout n'est pas marchand : par exemple, l'éducation ne l'est pas, la culture ne peut être résumée au marchand.

Ce projet de société est un projet de résistance chez nous et de résistance internationale : dans notre univers occidental, il y a choc entre ces deux projets de société, l'un dominant pour lequel la dimension marchande ne doit pas connaître de limites ; l'autre, le nôtre, pour lequel tout n'est pas marchand - et tout n'est pas d'Etat. La culture ne doit pas être entièrement marchande, ne peut pas être entièrement soumise à l'Etat.
[…]
La reconnaissance de l'artiste dans la société est très importante car il est le plus sensible, doué d'antennes pour sentir venir les tremblements de terre, pour sentir les émotions collectives.
Il faut intégrer les artistes dans la réflexion et la décision culturelle.
[…]
Deuxième étape, l'aide et le soutien à la création - elle requiert par nature qu'on l'aide, création par nature signifie novation, rupture avec le goût dominant du temps, elle est presque par nature solitaire, abandonnée. Tant de très grands peintres, artistes, créateurs "crevaient la faim" - le mécénat n'étant pas développé en France comme dans d'autres pays, le mécénat d'Etat est une nécessité. Encore faut-il qu'il n'obéisse pas à des habitudes trop lourdes, à des habitudes de réseaux. Il faut inviter les artistes eux-mêmes à nous dire les attentes et les besoins qu'ils ressentent.
[…]

Extrait du discours prononcé par François Bayrou lors d’un colloque consacré à la culture au Sénat, le 17 février 2007.

Enfin !
(beaucoup de réserves néanmoins sur la référence à J. Chirac dont l'action en matière de culture a été très insuffisante)

12:45 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) |

mardi, 06 février 2007

"Agent sensible"

Agent sensible, une notion pertinente et efficace concernant l'activité artistique, trouvée sur le site de transactiv-exe.

19:45 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) |

dimanche, 04 février 2007

Et la culture ?

Soutenir la création artistique, c'est - pourquoi faut-il donc le rappeler ? - avoir un regard dynamique vers l'avenir, et se soucier de laisser une trace patrimoniale signifiante de notre vécu aux générations futures.
Force hélas est de constater le silence à ce sujet dans l'actuelle campagne présidentielle, silence qui laisse amer si l'on a le souvenir du vif intérêt porté à la culture au début des années 80.
Néanmoins, un sondage effectué par BVA-Orange sur le thème "La politique culturelle et l'élection présidentielle" a été rendu public le 25 janvier dernier.
Les résultats sont bien sûr à prendre avec précaution, puisque les personnes interrogées ne sont pas forcément intéressées, et par conséquent suffisamment informées (moi-même, je n'aurais pas la compétence à juger de sport par exemple). Mais cela donne une bonne indication de ce que pourrait donner la prise en compte de cet aspect dans les choix électoraux. À condition que cela soit le cas, or justement, cette question préalable n'a pas été posée !
Les résultats ne sont pas surprenants, la gauche incarnée par Mme Royal continue à l'emporter en termes de confiance dans le domaine de la politique culturelle, et les Français considèrent toujours le patrimoine comme prioritaire.
Ce qui est en revanche inquiétant, c'est que seuls 29% des sondés pensent que la gauche mènerait une meilleure politique culturelle que la droite.
Et seuls 16% estiment prioritaire de soutenir la création contemporaine et 11%, de développer de nouveaux modes d'expression artistique.
No future !

23:45 Écrit par kl loth dans politique, rôle et place de l'art, zeitgeist | Lien permanent | Commentaires (0) |

Les choses peuvent bouger (selon Gérard Fromanger)

"[…] Il n'y a pas de peintres engagés et d'autres non. Nous ne dominons jamais les événements, ils sont plus forts que nous. On se contente de penser, de stimuler ou de réagir. Mais collectivement ou dans la solitude de l'atelier, les artistes peuvent incarner l'idée que, jour après jour, les choses peuvent bouger. L'idée qu'ils peuvent changer quelque chose dans l'histoire de l'art, même un tout petit peu, ajouter un petit caillou blanc, est une idée tellement forte. C'est d'ailleurs la seule, et qui concerne tous les gens qui inventent, aussi bien les savants que les musiciens, les écrivains - tous ceux qui montrent que ce n'est jamais la fin de l'histoire, la fin du sens, la fin de l'art, la fin de tout. Nous servons à créer de petites subjectivités qui peuvent, après, être exemplaires pour le reste de la société. Selon Deleuze, l'acte de création est un acte de résistance. L'artiste ne peut parler correctement aux autres que s'il parle correctement de ce qu'il a fait. […]"

(Propos de Gérard Fromanger recueillis par Henri-François Debailleux, "Les artistes changent le Sahara avec une poignée de sable", Libération, 16-17/07/2005)

20:10 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) |

vendredi, 02 février 2007

Le rôle de la critique

Intéressant débat hier soir 1er Février que celui de l'émission Ce soir ou Jamais sur France 3 : "Critiques et artistes : je t’aime, moi non plus !".
Certes seuls quelques aspects de la question ont été abordés, les plus spectaculaires et contestables (stupéfiants extraits d'archives télévisuelles).
Et le travail de fond d'analyse des œuvres n'a guère été évoqué.

Je retiens surtout une belle phrase d'Arnaud Viviant : "La critique c'est de la résistance contre le marché".
OUI !

13:15 Écrit par kl loth dans rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) |

jeudi, 01 février 2007

La question culturelle (bis)

"La question culturelle n’est pas politiquement anecdotique : c’est le cœur même de la politique. Car la culture, c’est aussi la libido, que l’activité industrielle tente essentiellement de capter. Les politiques devraient donc d’abord être des politiques culturelles, non pas au sens où un ministère de la culture sert ou dessert les clientèles diverses et variées des métiers de la culture, mais bien comme critique des limites d’un capitalisme hyperindustriel devenu destructeur des organisations sociales en quoi consistent les processus d’individuation psychique et collective."
(Bernard Stiegler, "Le désir asphyxié, ou comment l'industrie culturelle détruit l'individu", Le Monde diplomatique, juin 2004, pages 24 et 25)

15:15 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, politique, rôle et place de l'art, zeitgeist | Lien permanent | Commentaires (0) |

mercredi, 31 janvier 2007

La question culturelle

"La question culturelle n'est pas politiquement anecdotique : c'est le cœur même de la politique."
(Bernard Stiegler, "Le désir asphyxié, ou comment l'industrie culturelle détruit l'individu", Le Monde diplomatique, juin 2004, pages 24 et 25)

00:00 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, politique, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (0) |