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dimanche, 27 janvier 2008

Survie (Julien Gracq)

"De la survie des ouvrages littéraires. L'œuvre d'un écrivain, passé l'ère classique, s'installe de moins en moins dans la durée comme un absolu, de plus en plus comme un étai temporaire et un garant, qu'on réactive occasionnellement pour les besoins de l'« idéologie dominante » ou de la technique littéraire du jour. Ce que nous appelons immortalité n'est le plus souvent qu'une continuité minimale d'existence en bibliothèque, capable d'être remobilisée par moments, pour cautionner la mode ou l'humeur littéraire du temps."
 
(Julien Gracq, Carnets du grand chemin, José Corti, 1992, éd. consultée 2003, p. 245)
 
Une citation qui entre en interaction avec cette autre, sur le temps que mettent les textes à nous rencontrer…
Eh oui, l'importance du contenu de certains livres est en butte à la rotation rapide des marchandises, que ce soit à l'étal, où dans les esprits !
 
Et à propos du choix que nous faisons de nos lectures, une autre citation aux métaphores savoureuses : celle de l'ange gardien, celle qui évoque les "phéromones" de l'attraction sexuelle : 
 
"L'ange gardien de nos lectures, si grand, si expéditif économiseur de notre temps. Celui qui, devant un compte rendu enthousiaste, un titre qu'on nous vante, un livre qu'on hésite à acheter, nous souffle à l'oreille, gentiment, décisivement, toujours obéi : "Non. Pas celui-là ! Laisse. Celui-là n'est pas de ton ressort. Celui-là n'est pas pour toi."
Quand il m'est arrivé par la suite de me trouver dans l'obligation de le vérifier, je n'ai guère eu à revenir sur le bien-fondé de cette abstention spontanée. D'autant plus difficile à expliquer qu'elle se détermine sur des indices aussi dérisoires que capricieux : le titre du livre tout autant que la photographie de l'auteur, le créneau que la critique lui assigne dans la production littéraire, le ton de cette critique, la personnalité de ses thuriféraires et de ses ennemis.
Tout volume mis dans le circuit semble être le lieu d'une émanation sui generis qui guide vers lui en aveugle, toutes antennes alertées, un certain public et en écarte un autre, par l'effet d'une étrange sexualité littéraire."
 
(Julien Gracq, Carnets du grand chemin, José Corti, 1992, éd. consultée 2003, pp. 253-254)
 
Les Carnets du grand chemin foisonnent de notes sur divers paysages, de France, mais aussi de pays étrangers. L'observation est très précise : Julien Gracq décrit les couleurs, les textures, et de nombreuses caractéristiques des lieux qu'il a traversés. Ses observations ne sont pas datées, comme immémoriales. Pourtant ce ne sont déjà plus les paysages que nous pourrions découvrir, profondément modifiés par l'évolution de l'urbanisation et de l'industrie.
Souvent très précise, la description renvoie fréquemment aux conditions de l'observation : perception subjective de l'auteur, conditions météorologiques… Le passage consacré à Bort-les-Orgues (p. 69) par exemple, surprend : les "orgues" de basalte n'y sont nullement décrites, mais c'est de la conscience du "lourd barrage gris et triangulaire", de son impact sur la petite ville, que l'auteur nous parle !

15:05 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Julien Gracq, littérature, temps, choix |

samedi, 26 janvier 2008

Interstices…

"Pour rêver, il ne faut pas fermer les yeux, il faut lire. La vraie image est connaissance. Ce sont des mots déjà dits, des récensions exactes, des masses d'informations minuscules, d'infimes parcelles de monuments et des reproductions de reproductions qui portent dans l'expérience moderne les pouvoirs de l'impossible. Il n'y a plus que la rumeur assidue de la répétition qui puisse nous transmettre ce qui n'a lieu qu'une fois. L'imaginaire ne se constitue pas contre le réel pour le nier ou le compenser ; il s'étend entre les signes, de livre à livre, dans l'interstice des redites et des commentaires ; il naît et se forme dans l'entre-deux des textes. C'est un phénomène de bibliothèque."
 
(citation de Michel Foucault, in "Joseph Kosuth. « Du phénomène de bibliothèque »", www.galeriealminerech.com, site consulté le 26/12/2006) 

20:03 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Michel Foucault, Joeph Kosuth, art, art contemporain, livres, bibliothèque |

lundi, 14 janvier 2008

des idées (Sol LeWitt)

"Les idées n'ont pas besoin d'être complexes. La plupart des idées qui ont du succès sont ridiculement simples. Ces idées ont généralement l'apparence de la simplicité parce qu'elles semblent inévitables."

(Sol LeWitt, Artforum, 1967, cité par Philippe Dagen, "Sol LeWitt, artiste américain", Le Monde, 11/04/07)

Il se pourrait que parfois des idées complexes soient néanmoins intéressantes. À voir…

20:28 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : idées, simplicité, art, art contemporain, art conceptuel, Sol LeWitt |

"des cicatrices plus tard"

"La littérature demande du temps, toujours, beaucoup plus que celui que la presse ou même l'édition lui imposent. Temps de lecture et d'écriture sont infinis, étirés, soumis à d'autres lois.
[…] Nous croyons lire de la littérature quand c'est la littérature qui nous lit. Et elle finit toujours par nous rattraper, au moment même où on s'y attend le moins — parce qu'elle est toujours visionnaire. Quinze jours avant sa publication ? Des mois, des années, des cicatrices plus tard."


(Nelly Kapriélan, "Course à l'échalote", Les Inrockuptibles n° 623, du 6 au 12 novembre 2007, p. 83)

19:35 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : écriture, littérature, temps |

samedi, 05 janvier 2008

Petit éloge de la douceur (Stéphane Audeguy)

"La douceur est vouée à une irrémédiable minorité : ce charme est son secret. C'est précisément pourquoi, il me semble, toutes sortes de forces politiques, sociales, morales s'acharnent à la falsifier. Toute force réactive hait la douceur et cherche à la remplacer par d'odieux simulacres : la mièvrerie, la niaiserie, l'infantilisme, le consensus.
Je propose d'appeler ici douceur l'ensemble des puissances d'une existence libre ; définition générale, mais non vague, si l'on veut bien y réfléchir." (pp. 9-10, extrait de "Introduction à la vie douce")


À lire, à relire, pour s'en imprégner peu à peu : Petit éloge de la douceur, de Stéphane Audeguy (Gallimard, coll. Folio, 2007), qui explore par ordre alphabétique différentes facettes souvent surprenantes de la douceur.
Parmi mes articles préférés : "Assujettissement" (pp. 18-19), "Éponge" (p. 52), "Soleils couchants" (p. 114) ou encore "Winnie l'ourson" (p. 133)…

"Tout ce qui dans le monde fut mineur ou le demeure, les enfants, les femmes, les animaux, les peuples dits barbares, et même certains hommes, tout ce qui dans le monde des personnes sérieuses n'a pas de place, les nuages, les fleurs, l'amour, la mer, tous ces petits riens qui nous sont tout : voilà ce avec quoi l'art collabore (même s'il n'en parle pas explicitement ; certains iraient même jusqu'à dire : d'autant plus qu'il n'en parle pas, pour des raisons stratégiques que tout artiste véritable comprendra aisément). C'est également ce qui fait de l'art une activité profondément politique. L'art s'occupe de ce qui reste : reliquaire parfaitement laïc, attentif aux signes de la vie, et jusque dans la mort." (pp. 41-42, extrait de "Concept")

Stéphane Audeguy, Petit éloge de la douceur, Gallimard, coll. Folio, 2007.

01:10 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, en revenant de l'expo (de la conf. etc.) | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : douceur, Audeguy, art |

mercredi, 02 janvier 2008

Slovénie (J. Gracq)

"Slovénie : de sa traversée au soleil déclinant de la fin d'après-midi, il ne me reste d'autre souvenir que le dédale des montagnettes vertes, et les javelles de foin dressées, habillant leurs squelettes de bois comme des bonshommes d'herbe sèche."

(Julien Gracq, Carnets du grand chemin, José Corti, 1992, éd. consultée 2003, p. 113)

Il n'y a pas de précision quand à la date de ce trajet en Slovénie…

12:42 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Slovénie, Julien Gracq |

dimanche, 30 décembre 2007

"jamais encore"…

"Il faut représenter notre monde comme s'il ne l'avait jamais été, en faire trans-paraître la vérité, et cela pour une raison très simple : notre monde, ici et maintenant, n'a jamais encore été représenté. Tout reste toujours à faire."

(Stéphane Audeguy, "Jeff Wall", Petit éloge de la douceur, Gallimard, coll. Folio, p. 133)

14:30 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Jeff Wall, Audeguy, représentation |

mardi, 25 décembre 2007

Nuages

Les nuages sont impensables. Incommensurables. On peut raisonnablement estimer qu'il ne s'en est pas trouvé deux pour être identiques depuis la formation de l'atmosphère terrestre. En ce sens, ils sont une parfaite image du monde.

(Stéphane Audeguy, Petit éloge de la douceur, Gallimard, coll. Folio, 2007, p. 89)

11:05 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : nuages |

mardi, 04 décembre 2007

Paris, musée du XXIe siècle (Thomas Clerc)

Tout mode de déplacement a son érotique propre (voiture vite, vélo fluide, marche lente), mais marcher en flânant a quelque chose d'autoréférentiel, le plaisir y vaut pour le plaisir. La déambulation gratuite s'enrichit de la rencontre de hasard, qui ajoute à chaque passage un embryon désirant. (p. 114)

Parmi les ouvrages exposés sur les tables en cette rentrée littéraire 2007, il en est un pour lequel mon bras s'est fébrilement tendu : Thomas Clerc, Paris, musée du XXIe siècle. Le dixième arrondissement, tant le titre évoque de bonnes références : Walter Benjamin et son "Paris, capitale du XIXe siècle", mais aussi Tentative d'épuisement d'un lieu parisien de Georges Perec.

Le projet de Th. Clerc est de grande ampleur : il ne s'agit pas seulement de décrire un lieu parisien, mais Paris tout entier, arrondissement par arrondissement, à commencer par le dixième où réside cet auteur, et qui fait l'objet de ce premier ouvrage.

La méthode employée est celle des notes prises au fil de la promenade(1). L'auteur porte attention aux détails, il se passionne pour l'infra-mince(2), fait la description des circonstances, petits faits contingents et micro-traces du présent tels que les incidents, les poussières, les noms propres(3), enregistre les changements(3) et les commente…
Rien n'est statique : l'auteur marche à des rythmes divers (et doit parfois affronter les réactions des personnes croisées), la ville est saisie dans ses mutations en cours, et le projet tout entier prendra son sens et son format progressivement(4).
Les rues se succèdent par ordre alphabétique sans que jamais l'on ne se lasse. Seul petit regret : les descriptions ne me semblent pas assez poussées… Peut être est-ce dû à l'incompétence en matière de description (relative) qu'avoue Th. Clerc dans une anecdote(5), ce qui laisse la voie libre à l'expression de ses diverses opinions, parfois trop éloignées de la stricte observation. Mais peut être est-ce simplement le risque inhérent à la promenade : l'esprit se laisse divaguer !

(1) p. 62
(2) p. 107
(3) p. 163
(4) p. 207
(5) p. 189

Thomas Clerc, Paris, musée du XXIe siècle. Le dixième arrondissement, éd. Gallimard, coll. L'Arbalète, 2007

Cf. aussi la critique de ce livre par Pierre Assouline.

23:10 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Thomas Clerc, Paris, littérature, art, ville, promenade |

Des panoramas à l'installation artistique

"Comme l'architecture avec la construction en fer, la peinture, avec les panoramas, à commencé d'échapper à l'art. La multiplication des panoramas atteint son point culminant au moment où apparaissent les premiers passages. Par mille artifices techniques, on s'évertue infatigablement à en faire des lieux voués à la parfaite imitation de la nature. On s'efforce de rendre les variations de lumière dans les paysages, la montée de la lune, le bruissement des cascades. David conseille à ses élèves d'aller dessiner d'après nature dans les panoramas. En recourant ainsi à l'illusion pour reproduire fidèlement les changements naturels, les panoramas annoncent, au-delà de la photographie, le cinéma et le film sonore." (p. 49)

"Les panoramas, qui annoncent un bouleversement dans le rapport de l'art avec la technique, traduisent en même temps un sentiment nouveau de la vie." (p. 50)
(Walter Benjamin, "Paris, capitale du XIXe siècle", texte écrit en 1935, traduction par Maurice de Gandillac revue par Pierre Rusch, in Walter Benjamin, Œuvres III, éd. Gallimard, coll. Folio Essais, 2000)

Les panoramas sont-ils une origine possible de l'installation en art ?
Rappelons qu'avant que ce terme "installation" ne s'impose, les travaux de ce type étaient souvent appelés "environnements".

19:25 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Walter Benjamin, art, installation(art), panorama |

mercredi, 28 novembre 2007

Souvenirs du 27 novembre 2007 à Lyon

"Le 27 novembre est une journée ordinaire à première vue, mais de quoi se compose l’ordinaire d’un Lyonnais en 2007 ? Chacun est invité à écrire ici, et à témoigner de son temps : petits riens du quotidien, ou grandes nouvelles, impressions ou prises de positions, sont autant de façons de peindre le présent, notre présent.

En racontant votre journée, vous vous adresserez à l’Histoire elle-même : demain ou dans mille ans, ce blog sera redécouvert, comme une bouteille à la mer [...]"


À l'initiative de la Bibliothèque Municipale de Lyon, les lyonnais ont été invités à se faire chroniqueurs d'un jour, le 27 novembre 2007, par le biais d'un blog qui sera conservé dans le futur.

L'idée rappelle fortement celle de Maxime Gorki, qui avait invité les écrivains du monde entier à raconter une journée de leur vie, la même pour tous, le 27 septembre. C'était en 1935 et cela s'appelait "Un jour dans le monde".
En 1960, le journal moscovite Isvestia reprit l'idée et lanca un appel aux écrivains du monde entier, pour la journée du 27 septembre 1960.
Christa Wolf fut d'emblée séduite par l'idée, qu'elle poursuivit ensuite chaque année, pendant au moins quarante-trois ans.
La traduction française des journées de Christa Wolf parut en 2006 chez Fayard : Un jour dans l'année. 1960-2000 (traduction d'Alain Lance et Renate Lance-Otterbein).
Ce livre, tout empreint de la finesse d'analyse de C. Wolf, devient au fil des récits, année après année, un témoignage très dense de l'évolution de la République démocratique allemande, et de sa réunification à l'Allemagne fédérale.

Le blog de la Bibliothèque municipale de Lyon a décalé de 2 mois le jour choisi. Et nul besoin de faire profession d'écriture pour y participer !
Les témoignages sont nombreux, parmi lesquels celui de François Cini (ouvrir aussi la pièce jointe) et… le mien.

19:30 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : blog, bibliothèque, 27 novembre 2007, lyon, lyonnais, christa wolf, écriture |

lundi, 08 octobre 2007

La forme d'une ville (Julien Gracq)

"[Nantes] C'est son image agissante, bien plutôt, qui a tendance à me cerner : d'une manière générale, et de quelque époque de ma vie qu'il s'agisse, je ne me vois jamais en souvenir, au fond de la perspective dessinée par le recul des années, que plongé corps et âme dans un élément beaucoup plus concret, beaucoup plus stimulant et contraignant à la fois, que celui auquel on applique d'habitude le nom de milieu. J'essaie de prendre quelque distance avec ce complexe de rues et de places dans lequel ma vie s'est trouvée coulée à son époque la plus sensible : entreprise aléatoire, car ce qui a touché de près nos commencements ne cesse jamais tout à fait, même dans l'absence, de participer de loin, si peu que ce soit, à nos mutations."
(Julien Gracq, La Forme d'une ville, éd José Corti, 2006, p. 199, première éd. 1985)

Une approche très détaillée, fouillée de la ville de Nantes par Julien Gracq, qui permet de comprendre le lien entre la perception d'une ville, la vie qu'on y a menée, et son emprise dans l'imaginaire.
L'écriture est précise, on perçoit l'amour de la langue dans toute sa richesse, un amour vivant qui ne craint pas les emprunts à l'anglais.

21:42 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Julien Gracq, ville, littérature, Nantes, urbain |

mercredi, 26 septembre 2007

La citation de Borgès

Au début du dernier livre de Yasmina Réza apparaît une belle citation de Borgès :

Jorge Luis Borges aura écrit les plus beaux mots sur la déchirure de l'amour. Lui dont l'écriture est la moins sentimentale qui soit, lui dont le sujet de l'amour est infime dans l'œuvre.
Quelques phrases, à peine, faufilées parmi les épées, les poignards, les lames de toute sorte.


Seul est nôtre ce que nous avons perdu.
Nôtres sont les femmes qui nous ont laissés, étrangers enfin à l'attente, qui est angoisse, et aux alarmes et aux terreurs de l'espérance.

(…) I am trying to bride you up with uncertainty, with danger, with defeat.

(Yasmina Réza, L'aube le soir ou la nuit, Flammarion, 2007, p. 17)

00:15 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Borges, amour, Yasmina Réza |

Yasmina Réza prend des notes

"- Tu vis au jour le jour ?
- Oui. Je pense à ce que j'ai à faire chaque jour. C'est bien suffisant.
Silence. Il regarde ses mains. Puis il ajoute :
- Pourquoi penser ?
- C'est une vraie question. Qui vaut pour beaucoup de choses.
- Oui. Pour beaucoup de choses."

(Yasmina Réza, L'aube le soir ou la nuit, Flammarion, 2007, p. 105)

Yasmina Réza a pris pendant des mois des notes sur le candidat à la présidence Nicolas Sarkozy, en s'efforçant de suivre son rythme trépidant.
Peu de temps après, même pas trois mois, elle en publie une sélection, un agencement.
La lecture du livre déçoit, et laisse une impression de superficialité.
Si la précipitation à sortir le livre dans des délais très brefs en est partiellement la cause (remettre cent fois sur le métier ?), il faut aussi reconnaître que l'inconsistance caractérise le candidat Sarkozy tel qu'il se révèle au fil des pages.
Certes le lecteur peut opérer une approche critique s'il dispose de quelques connaissances psychologiques… Sinon le portrait dressé par Mme Réza restera ambigu, laissant prise à la fascination exercée par le candidat, malgré sa vacuité, son mépris et son agitation.
D'autres documents, comme l'analyse de discours par Gérard Miller, ou encore une récente analyse par l'équipe d'Arrêts sur Images, montrent ce que peut mettre au jour une approche critique poussée.
Ce n'est pas le cas dans ce livre, c'est dommage…

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00:05 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, politique | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Yasmina Réza, Sarkozy, politique, pouvoir, littérature, livre |

mardi, 25 septembre 2007

Tenu en laisse

"Par l'effet d'une rancune ancienne et longuement ruminée, je ne suis jamais retourné au Musée, qui, touchant le lycée d'aussi près que le Jardin des Plantes, en représentait vraiment pour moi le pôle négatif : les incursions "culturelles" qui m'y amenaient tenu en laisse comme un chien battu m'ont fait prendre la peinture en exécration pour un quart de siècle."
(Julien Gracq, La Forme d'une ville, José Corti, 3° édition 2006, pp. 39-40 (1ère édition 1985))

Certes les musées sont devenus plus attrayants, et les collègiens ne sont plus soumis à une discipline aussi rigoureuse que lors de la jeunesse de Julien Gracq… mais cette citation explique bien le terme de "public captif" qui est utilisé en muséologie.
Comment faire découvrir l'art à des publics qui en sont éloignés sans avoir recours à la contrainte ? Au risque de rebuter même des personnes pourtant sensibles…

18:15 Écrit par kl loth dans au fil des lectures, rôle et place de l'art | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : Julien Gracq, musée, public captif |

samedi, 22 septembre 2007

Habiter une ville (Julien Gracq)

Habiter une ville, c'est y tisser par ses allées et venues journalières un lacis de parcours très généralement articulés autour de quelques axes directeurs. Si on laisse de côté les déplacements liés au rythme du travail, les mouvements d'aller et retour qui mènent de la périphérie au centre, puis du centre à la périphérie, il est clair que le fil d'Ariane, idéalement déroulé derrière lui par le vrai citadin, prend dans ses circonvolutions le caractère d'un pelotonnement irrégulier. Tout un complexe central de rues et de places se trouve pris dans un réseau d'allées et venues aux mailles serrées ; les pérégrinations excentriques, les pointes poussées hors de ce périmètre familièrement hanté sont relativement peu fréquentes. Il n'existe nulle coincidence entre le plan d'une ville dont nous consultons le dépliant et l'image mentale qui surgit en nous, à l'appel de son nom, du sédiment déposé dans la mémoire par nos vagabondages quotidiens.
(Julien Gracq, La Forme d'une ville, José Corti, 3° édition 2006, pp. 2-3 (1ère édition 1985))

01:05 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : ville, Julien Gracq, parcours, déplacements, mémoire, littérature |

dimanche, 16 septembre 2007

Orange sanguine…

À découvrir : la photo du graph "la perle orange", associée par Arthémisia à un beau texte de Prévert (chanté par Yves Montand), sur son blog délicat consacré à la création et à la sexualité.

... La vie créatrice est si près de la vie sexuelle, de ses souffrances, de ses voluptés, qu'il n'y faut voir que deux formes d'un seul et même besoin, d'une seule et même jouissance.
Rainer Marie RILKE (Lettres à un jeune poète)
(introduction au blog Corps et Âme d'Arthémisia)

23:35 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : Arthémisia, streetart, blog |

lundi, 13 août 2007

Le petit carnet de Jeanne de Berg

"Il serait temps de mettre un peu d'ordre, enfin, dans mes objets rituels et papiers divers, écheveau de souvenirs, éclats de mémoire amassés au fil des ans."
C'est ainsi que débute Le petit carnet perdu de Jeanne de Berg (pseudonyme de Catherine Robbe-Grillet), paru aux éditions Fayard en 2007. Et ce petit carnet, justement, est l'occasion d'une mise en forme tout-à-fait intéressante de notes (cf. la citation sur les carnets, que j'ai recopiée il y a quelque temps)

Catherine Robbe-Grillet a tenu pendant plusieurs années un journal, publié en 2004 (Jeune mariée. Journal, 1957-1962, éditions Fayard)… Mais elle n'a pu poursuivre, faute de temps pour en assurer la rédaction régulière.
Depuis elle continue à prendre des notes dans de minuscules agendas trimestriels. Et c'est un incident concernant l'un de ces carnets qui sera l'élément déclencheur du récit.
Ce carnet, en effet, a été perdu, peut être même subtilisé, puis restitué par une tierce personne.
Le contenu en était bipartite, puisque outre la vie quotidienne de Catherine Robbe-Grillet, il contenait des notes détaillées sur sa vie de dominatrice SM (Jeanne de Berg). Restitué, il comporte désormais des annotations rageuses, à caractère injurieux, de l'une des personnes dans les mains desquelles il a circulé.
Le petit carnet perdu reprend en partie le contenu du carnet retrouvé ainsi que certaines des annotations injurieuses, mais Jeanne de Berg l'étoffe en y développant son expérience de "maîtresse", esthète et sensuelle, et précise sa spécificité par rapport à d'autres approches du sado-masochisme.
(parmi les différentes informations, le constat d'une perte d'énergie à s'occuper de l'autre… me semble intéressant à mettre en parallèle avec d'autres activités, comme… l'enseignement par exemple !)
Le livre s'enrichit d'autres strates : récit du déroulement d'une "cérémonie", doublé par le compte-rendu d'un "chroniqueur", larges extraits du courrier et du cahier de notes d'un "soumis"… La structuration en est finalement complexe : au moins sept niveaux y sont agencés !

(Quelques pages des petits carnets sont reproduites dans l'article de Valérie Marin LaMeslée : "Le carnet perdu de Catherine Robbe-Grillet", Le Magazine littéraire, pp. 96-97. Ils sont aujourd'hui conservés à l'IMEC, Institut mémoires de l'édition contemporaine)

01:15 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jeanne de berg, carnet, littérature, sm |

mercredi, 01 août 2007

Travailler plus… (selon Hubert Lucot)

Pour vaincre le chômage, il faut allonger la journée de travail. Les actifs se tueront à la tâche, ce qui libérera des emplois.
(Hubert Lucot, Grands mots d'ordre et petites phrases pour gagner la présidentielle, P.O.L., 2007, p. 131)

Bien d'accord !

13:39 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : travail, chômage, Hubert Lucot |

dimanche, 29 juillet 2007

Échec ?

"Essayer encore. Rater encore. Rater mieux." (Samuel Beckett)

Une citation que je découvre… oui, c'est bien ça, le travail artistique.
La vie aussi ?

18:20 Écrit par kl loth dans au fil des lectures | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : échec, art, Beckett |